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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/155

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est mon plan. L’adoptez-vous et avez-vous confiance en moi ?

—- J’ai pleine confiance en vous, et je consens à tout, pourvu que vous m’aidiez à m’échapper de ce « paradis. »

— Ce ne sera pas encore pour tout de suite : je ne puis rien faire avant le mois de mai. Je dois vous prévenir, en outre, que notre secret sera connu de quelques-uns de mes collègues du « Glavsakhar, » — je ne puis me passer de leur concours, — mais je réponds de leur discrétion. Le tout nécessitera, malheureusement, une somme d’argent assez considérable. Plus je l’écoutais et plus son calme et sa résolution m’inspiraient de confiance. Je ne doutais plus du succès de l’entreprise : j’étais prête à suivre au bout du monde mon « fiancé » imprévu.

Restait à trouver l’argent nécessaire pour notre fuite. Nous estimions qu’une somme de 12 millions de roubles serait nécessaire. Je fus obligée de me séparer de mes diamants et autres bijoux, à l’exception de quelques bagatelles de peu de valeur, et de mon collier et mes boucles d’oreilles en perles, que je décidai d’emporter avec moi. J’attendis l’arrivée de mon fils avec impatience. Son inaction lui pesait : il aspirait à rejoindre l’armée de Wrangel, considérant, comme tout honnête patriote, que cette armée était tout ce qui restait des vrais éléments russes honnêtes et nobles de notre pays, qu’elle n’avait pas dit son dernier mot, et servirait un jour de base à une nouvelle Russie.

Mon fils arriva enfin. Je ne l’avais pas revu depuis novembre 1919, près d’une année et demie. La Révolution qui avait détruit la Russie, avait aussi dispersé des familles entières ! Mon fils n’était plus l’adolescent que j’avais quitté ; c’était à présent un homme de haute stature et robuste : il avait passé par une rude école. Son vieux pardessus et son chapeau troué lui donnaient l’air d’un vagabond, mais son âme, ses idées et ses sentiments étaient restés les mêmes, grâce à Dieu : il était l’ennemi acharné du bolchévisme, du socialisme, et de toute abomination pareille. Combien de temps avions-nous encore à attendre ? Soudain, un matin que je m’étais rendue chez K., à la Poushkinskaïa, j’y trouvai Vladimir Ivanovitch qui m’attendait.

— Tout est prêt pour votre fuite, me dit-il ; voici vos faux papiers et ceux de votre fils. Consentez-vous à partir à trois heures de l’après-midi, aujourd’hui ? En ce cas, notre mariage