J’ai quitté Pékin tout de bon, je suis dans le train qui, en quarante heures, m’amènera à Han-Keou.
Le train court droit vers le Sud et je regarde le pays. C’est toujours cette campagne usée du Nord de la Chine, que l’homme a déboisée avec un acharnement d’insecte. De temps en temps, une enceinte édentée mord, de ce qui lui reste de créneaux, le bas du ciel pâle. Au fond de ces paysages séniles, qu’aucune source ne rajeunit, les monts apparaissent comme de grands ossements. Je me rappelle un jour où j’étais, aux environs de Pékin, sur un sommet de huit cents mètres environ, d’où je dominais l’étendue. En face de moi, des pentes creusées par les pluies retombaient presque verticalement, comme des toiles sur des piquets. En bas, la plaine s’exhaussait, marquée de quelques villages. On retrouve partout dans le Nord cet aspect d’épuisement et de vétusté, on croit marcher dans une nature en décombres. Mais dans ces grands pays démeublés, où pèle la terre jaune, où le moindre vent élève d’immenses deuils de poussière, la lumière étale parfois ses pompes les plus délicates. Elle saisit pour s’y manifester ces montagnes qui n’appartiennent
- ↑ Voyez la Revue des 15 octobre et 15 novembre.