Les mesures concernant la réquisition sont parmi celles qui ont été les plus lourdement ressenties par la population de Lille, pendant les quatre années d’occupation. Le conflit n’est plus seulement entre les chefs de l’armée allemande et les représentants du Gouvernement français ou de la Municipalité, mais entre les agents de la police et les particuliers sans défense, ce qui laisse à penser le rôle que pouvait jouer l’arbitraire dans l’exercice du droit de réquisition.
Tout d’abord, rappelons en quoi consiste ce droit et quelles sont les règles internationales qui en ont fixé l’application. La réquisition, envisagée dans son sens le plus large, comprend non seulement la fourniture des objets, mais encore l’exécution de travaux ou de services, suivant les exigences militaires. C’est ce que l’on appelle prestations en nature, lorsqu’on se place au point de vue de ceux qui subissent la loi de l’occupant. Ce droit, en temps de guerre, est régi par l’article 52 de la Convention de la Haye, qu’ont signé en 1907 les principales Puissances, y compris l’Allemagne, et dont nous reproduisons le texte :
« Nulle réquisition en nature ne sera imposée, sauf pour les besoins de l’armée, et à condition qu’elle soit en rapport avec les ressources du pays. Les prestations en nature devront, autant que possible, être payées au comptant, sinon constatées par des reçus. »
Pour la clarté des faits, disons tout de suite que la Convention de la Haye ne fut, pour les Allemands, qu’un autre chiffon de papier et que cet article 52, notamment, n’a jamais mis aucune limite au droit de réquisition, tel qu’entendait l’appliquer l’autorité militaire [1]. En effet, son exercice devait être strictement soumis aux trois conditions suivantes. La première exige que le service réclamé soit rendu à l’armée d’occupation, c’est-à-dire à l’armée qui, en fait, occupe
- ↑ Quand le Maire de Lille invoque les lois internationales pour résister à l’arbitraire, il lui est répondu ce qui suit : « M. le Maire parle de la Convention de la Haye qui n’a pas à intervenir. Toute critique des décisions de la haute autorité militaire pourra, dans l’avenir, être prise pour une provocation et donner lieu à des sanctions.» (Bulletin de Lille du 24 décembre 1914.) Telle est la nouvelle doctrine de l’État-major allemand en matière de contributions ou de réquisitions.