Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

purgé la peine légère que leur avait valu cette contravention, ont été enlevées. Leurs mères qui avaient veillé de si près sur elles et qui n’avaient que cette unique joie de les garder près d’elles, en l’absence du père, sont seules maintenant. Elles portent ici et là leur désespoir et leur angoisse.

Je sais que vous êtes étranger à ces rigueurs et c’est pourquoi je prends la confiance de m’adresser à votre équité. Je vous prie de vouloir bien faire remettre d’urgence au Haut Commandement cette lettre d’un évêque, dont il se représentera facilement la profonde tristesse. Nous avons beaucoup souffert depuis vingt mois, mais aucun coup ne serait comparable à celui-ci.

Je ne puis croire qu’il nous sera porté. J’ai foi en la conscience humaine. Je garde l’espoir que les jeunes gens et les jeunes filles appartenant à d’honnêtes familles et redemandés par elles, leur seront rendus, que le sentiment de la justice et de l’honneur prévaudra sur toute considération inférieure.


En vain nous avons cherché une réponse ou un essai de justification de la part des auteurs responsables de ces mesures.

En revanche, alors que la vie humaine comptait si peu pour le Gouvernement militaire, celui-ci faisait publier dans le Bulletin de Lille l’avis suivant, qui dénote une sensiblerie assez caractéristique de la mentalité allemande, se parant de sentiments d’humanité, au cours des pires persécutions :


Le Dr Niessen, médecin du Gouvernement de Lille, adresse au Service d’hygiène une note où il le prie d’appeler l’attention des autorités ecclésiastiques sur la possibilité évidente de transmission de la fièvre typhoïde par l’eau bénite. Sans avoir la moindre intention de porter atteinte aux mandements et à la sainteté de l’eau bénite, des germes d’infection peuvent être transmis, par les mains, d’une personne à une autre. Comme l’Église ne renoncera probablement pas à l’emploi de l’eau bénite pendant la durée de l’épidémie actuelle, il est nécessaire d’y ajouter un désinfectant approprié.


Pour marquer plus encore le contraste, il nous suffira de signaler que ce même Gouvernement n’a pas hésité à procéder à la première déportation dans la nuit du Vendredi au Samedi saint. Pâques sinistres pendant lesquelles tant de malheureux Lillois furent arrachés de leurs foyers, sous le faux prétexte de faciliter le ravitaillement, alors qu’en réalité, il s’agissait d’imposer un travail forcé aux populations, afin de rendre autant de soldats disponibles pour le service de l’Allemagne.