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REVUE LITTERAIRE

LA FANTAISIE DANS LE ROMAN [1]

Voici quelques romans où j’ai tâché d’apercevoir les tendances nouvelles de notre littérature. C’est une recherche difficile, car les jeunes écrivains de ce temps, revenus de la guerre il y a peu d’années, n’ont pas encore fait toutes leurs trouvailles et, pour le moment, savent ce qu’ils n’aiment pas, mieux qu’ils ne savent ce qu’ils vont aimer. Il ne faut pas qu’on s’en étonne ; c’est ainsi que préludent, et non pas très vite, les belles époques d’art et de littérature, telles que nous en attendons une pour la France de la victoire. Il semble que nos jeunes écrivains songent d’abord à s’écarter du réalisme, et fût-ce dans le roman, qui est le genre où a flori le réalisme à un tel point que le roman parut la peinture de la réalité. Sans doute y a-t-il un réalisme d’école, un prétendu naturalisme fort grossier, dont la mode avait passé bien avant la guerre et contre lequel réagit, vers la fin du siècle dernier, le symbolisme, par exemple. Mais, l’école dite réaliste une fois défunte, les romanciers continuaient d’examiner, en observateurs et en philosophes, la vie environnante : voire, ils entendaient ne renoncer aux procédés et aux manies réalistes que pour saisir et donner plus d’exacte réalité. Ils composaient une « chronique » et, s’ils ne se disaient historiens, du moins procuraient-ils des documents à l’histoire.

Je ne crois pas que le souci de la réalité soit aujourd’hui le même.

  1. Alexandre Arnoux, Écoute s’il pleut (Fayard) ; du même auteur, Abisag ou l’église transportée par la foi, La nuit de saint Barnabé, Huon de Bordeaux (Albin Michel) ; Le cabaret, Indice 33 (Fayard). Jacques Chenevière, Jouvence ou la Chimère ; du même auteur, L’Ile déserte (Grasset). François de Bondy, Pygmalion aux cent amours ; du même auteur, Constance dans les deux. Le moqueur, A l’enfant brune (Grasset).