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et de mourir, la seule pensée de vivre encore les martyrise. Et Nicolas Nivard se remet à la besogne. Il va s’enfermer dans son laboratoire ; que cherchera-t-il, avec une passion farouche ? un antidote contre les effets de la lertine, un remède pour vieillir et mourir comme tout le monde. Il ne trouve rien.

M. Jacques Chenevière n’a pas donné de dénouement à son histoire de ces deux êtres à qui la mort est épargnée, à qui la vie est pire que la mort. Est-ce qu’il ne fallait pas un dénouement, comme une moralité à la fin d’une fable ? Je crois que oui ; et le livre, qui est long, se prolonge de ce qu’il laisse illimité au delà de sa dernière page. Peut-être l’auteur a-t-il voulu que celle impression de longueur nous rendit plus saisissant le chagrin de ses héros perdus dans la mer sans bornes de la vie sans déclin.

Du reste, ce roman, l’un des plus originaux et pensifs que l’on nous ait donnés depuis longtemps, n’est pas sans défauts. Il me semble que l’auteur, enchanté d’un si beau sujet, l’a traité, je ne dis certes pas avec trop de soin, mais avec un soin peureux et avec une application laborieuse. Il avait plus d’entrain dans l’Ile déserte ; et il avait aussi plus de gaieté. La tristesse de Jouvence ou la chimère ne l’a-t-elle point accablé ? Elle est accablante, mais admirable aussi. Une grande et ample rêverie sur l’affreuse calamité de vieillir, et de mourir, sur la terrible et vaine lutte que la vie engage contre la durée, contre son ennemi décidément vainqueur, le temps ; et le deuil incessant de la fugitive jeunesse. Les danses des morts d’un Holbein ou d’un autre, à Bâle, à Lucerne ou ailleurs, ne sont pas les images d’un pire désespoir.

Je citerai, parmi les romanciers qui ont choisi pour thème le temps, M. François de Bondy, l’auteur du Moqueur et de Constance dans les cieux. Ces deux romans-là sont de gracieux badinages autour de la réalité ; l’on y voit de légers personnages qui ont l’air de marionnettes et qui sont des marionnettes vivantes, douées de sensibilité : le hasard les mène, et dangereusement. Puis M. François de Bondy écrivit, — c’est moins un roman qu’un poème en prose, — A l’enfant brune. Cette enfant brune, qui est-ce ? « Elle est mon amie à qui je parle en tout abandon. Nous causons de préférence le soir, à l’heure un peu mystérieuse et triste de la tombée du jour. J’essaie de lui apprendre à penser ; elle m’apprend à aimer... Existe-t-elle réellement ? J’ai tant de fois rêvé à elle que vraiment je ne sais plus... Elle est la grâce ; elle a vingt ans. » Or, un soir, le poète s’ennuie, entend le sifflet d’un train dans les ténèbres et voudrait partir : l’enfant brune l’accompagnerait. Où iraient-ils ? Ailleurs, vers des pays extraordinaires