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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/229

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loyal, à l’esprit lucide des Américains, il leur découvrait en leur langue, avec une vigueur de dialectique étonnante, la grandeur du rôle que les États-Unis ont joué dans la Guerre mondiale et les obligations d’honneur qui découlent pour eux de cette grandeur même. Un pays puissant comme les États-Unis est une personne morale une et indivisible ; ses actes ont des conséquences auxquelles il ne lui est pas permis de se dérober, ou, s’il s’y dérobe, c’est à son détriment ; un peuple qui a fait hier de grandes choses ne saurait sans déchoir en faire aujourd’hui de petites, et quand il a entrepris, pour le bien de l’humanité et de la civilisation, une œuvre de salut, s’il vient à l’abandonner brusquement, il en compromet les résultats et il compromet sa gloire.

L’argumentation de M. Clemenceau a soulevé des colères et des enthousiasmes, ce qui prouve qu’elle a frappé juste ; elle a dissipé dans les esprits les doutes qu’une propagande tenace avait réussi à y faire naître. Il est inouï que nous soyons obligés de réfuter des accusations aussi ridicules que celle d’être des militaristes assoiffés de conquêtes, qui veulent opprimer l’innocente Allemagne ; ces mensonges, répandus par les Germains et leurs amis, trouvent un terrain favorable à leur diffusion dans l’idéologie humanitaire et pacifiste qui fleurit spécialement parmi ces multiples églises et sectes qui pullulent aux États-Unis et qui contribuent pour une si grande part à donner au Yankee sa physionomie morale caractéristique. A ces hommes de bonne foi M. Clemenceau a opposé des faits précis, des réalités indéniables ; il a certainement frappé leurs esprits. C’est une des plus déplorables conséquences de la guerre et des bouleversements économiques et monétaires qu’elle a produits que, dans tous les pays, les forces d’argent sont plus que jamais dominantes et les problèmes financiers plus absorbants. M. Clemenceau, dans un très bel article du New-York World, a dénoncé cette emprise tyrannique du matérialisme économique. Ce sont les théoriciens de l’école de M. Keynes qui, en prétendant renouer les lions économiques que la guerre avait détruits, ont poussé les pays anglo-saxons à cette politique qui se croyait réaliste parce qu’elle était matérialiste et qui méconnaissait ces hautes et fécondes réalités au nom desquelles la guerre a été conduite et gagnée : « Qu’on le veuille ou non, la Grande Guerre de 1914 a été plus politique qu’économique, et notre victoire a été celle des nationalités. C’est sur cette base de fait qu’il nous faut travailler. Nous devons restaurer, par dessus les frontières nouvelles, les vieilles relations