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renonçait à recouvrer les dettes interalliées. Telle n’est pas la pensée du Premier ; il a simplement voulu dire que la question des dettes n’était pas écartée a priori du débat, mais qu’une annulation ne pourrait être envisagée que si une entente générale sur les réparations pouvait être obtenue. M. Poincaré s’est expliqué avec une entière franchise, bien qu’avec toute la réserve nécessaire, sur sa politique, devant la Chambre le 15, devant le Sénat le 21. Ses principes sont invariables ; on peut les résumer sous quelques chefs capitaux. La France ne se préoccupera de payer ce qu’elle doit à ses alliés que si elle-même est remboursée par l’Allemagne des cent milliards qu’elle a déjà déboursés pour les réparations et de ce qu’elle devra dépenser encore. Il n’y a aucune assimilation possible entre les dettes des Alliés et la dette allemande. Aucun moratorium de droit ou de fait ne sera accordé sans gages ; ces gages constitueront un moyen de paiement et surtout un moyen de pression. L’Allemagne a deux gouvernements : celui de M. Cuno, chancelier du Reich, et celui de M. Stinnes et de la grande industrie qui est de beaucoup le plus puissant. Les Alliés n’ont à connaître que le premier, dont ils renforceront l’autorité en prenant les moyens propres à amener le second à composition. M. Poincaré a donc formellement déclaré à ses éminents collègues qu’à son avis les Alliés devaient demander et au besoin prendre des gages, qu’il espérait que tous seraient d’accord pour recourir avec lui à cette indispensable mesure mais que, si son attente était déçue, il ne renonçait pas au droit de se nantir lui-même. L’article 248 du Traité de Versailles confère aux Alliés un privilège général sur les biens et ressources du Reich et des États allemands, M. Poincaré, pour sa part, le « regarde comme une réalité concrète et demandera à nos alliés de prendre quelques-uns de ces gages avec nous ou de nous les laisser prendre pour le compte commun. »

Quels seraient ces gages ? M. Poincaré n’en a désigné aucun ; c’est la presse qui, dans tous les pays, s’est lancée dans de violentes et interminables discussions sur l’occupation de la Ruhr. Ni dans les Conférences avec ses collègues, ni même dans son entretien privé avec M. Bonar Law, il n’a spécifié qu’il eût l’intention de faire occuper la Ruhr. La France ne tient pas essentiellement à ce gage-là ; il en existe d’autres de diverses natures telles que la saisie des recettes douanières, qui paraît avoir les préférences de M. Rabot (discours au Sénat, 21 décembre), l’établissement ou plutôt le rétablissement d’un cordon douanier à la limite des zones occupées par les troupes alliées, etc. Si, au surplus, le Gouvernement français se trouvait