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le Président de la République tombait frappé de trois balles.

L’horreur d’un tel crime souleva sans distinction l’indignation de tous les partis ; une tache ternissait la gloire historique de la Pologne restaurée ; les ennemis de la Pologne allaient en profiter pour la vouer, une fois de plus, aux gémonies. L’Allemagne, où fleurit l’assassinat politique, se répandit en invectives ; certains journaux y dénoncèrent le fruit de l’influence française ! La Pologne donna un bel exemple de sang-froid et d’énergie ; le jeu normal de la Constitution fit assurer l’intérim de la Présidence par M. Rataj, président de la Diète, qui, avec beaucoup de décision, maintint l’ordre et constitua un Cabinet dirigé par le général Sikorski, chef d’État-major. Le maréchal Pilsudski assuma les fonctions de chef d’État-major qui lui donnent le commandement de l’armée. On s’occupa aussitôt de réunir pour la seconde fois l’Assemblée nationale. La nouvelle élection s’est faite sans troubles le 20 décembre. Tous les amis de la Pologne regretteront que les partis n’aient pas réussi à se mettre d’accord sur un candidat qui, réunissant l’unanimité des suffrages, fût vraiment le mandataire de toute la nation. Au premier tour de scrutin, M. Wojciechowski fut élu par 298 voix contre 227 au professeur Morawski, président de l’Académie des Sciences de Cracovie, candidat des droites. Dans les circonstances actuelles, l’Assemblée ne pouvait faire un meilleur choix ; elle a élu un homme d’énergie et de conciliation qui ne compte que des amis. Le nouveau président, autrefois socialiste, créateur d’un puissant mouvement coopératif, est inscrit au groupe de M. Witos, mais son passé le place au-dessus des partis ; dès le début de la Grande Guerre on le trouve en Russie, où la confiance générale le nomme président de l’Union de tous les partis polonais ; il organise la participation des Polonais à la lutte pour la victoire de l’Entente. Après la libération, il est ministre de l’Intérieur dans les Gouvernements présidés par MM. Paderewski et Skulski. Son premier message, conçu en termes très élevés, est un appel à cette union des cœurs qui est le premier besoin de la Pologne ressuscitée. La France, dont il s’est toujours montré un ami fervent, souhaite, pour le bien de sa patrie et la paix de l’Europe, que sa voix soit entendue et que sa présidence inaugure une ère de concorde et de prospérité.


RENE PINON.


Le Directeur-Gérant :

RENE DOUMIC.