C’était en 1881. Je venais d’entrer au ministère des Affaires étrangères. N’ayant pas encore subi mes examens, j’étais un simple néophyte, un « attaché autorisé » au cabinet du ministre, qui était alors le vénérable Barthélemy Saint-Hilaire, le traducteur d’Aristote, l’ancien ami de Thiers, le Nestor du Sénat français.
Le dimanche 13 mars, vers six heures trois quarts de l’après-midi, comme j’assurais le service de permanence dans la pièce qui précède le bureau du ministre, un employé du chiffre m’apporta, l’air effaré, un télégramme urgent qu’il venait de déchiffrer. Je lus :
Saint-Pétersbourg, le 13 mars 1881.
Un épouvantable malheur frappe la Russie : P Empereur est mort à trois heures et demie, victime du plus odieux attentat.
Sa Majesté rentrait d’une visite chez la grande-duchesse Catherine, après la parade militaire, lorsqu’une explosion brisa sa voiture. L’Empereur n’était pas atteint et voulut descendre pour se rendre compte de ce qui s’était passé. A ce moment, une
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