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64 030 tonneaux à 611 000. La Grande-Bretagne se maintenait au chiffre de 1 981 000 tonneaux, et l’Italie passait de 50 000 à 82 000 tonnes. Seule, la France, qui s’était sacrifiée pour la fabrication du matériel de guerre au profit des armées alliées, oubliait ses propres intérêts en achetant sur les marchés étrangers les navires qu’elle ne pouvait plus construire. Or, ces achats ne lui étaient pas consentis gracieusement.

Profitant des difficultés qui s’opposaient au transfert du pavillon, les vendeurs de navires exigeaient des prix fabuleux qui ont atteint jusqu’à 3 000 francs par tonneau de jauge brute, sur les marchés japonais, anglais ou américains. Il y a bien eu un accord Maclay-Clémentel, par suite duquel nous avons acquis 500 000 tonneaux. Mais cet accord a été fait à des conditions onéreuses pour nous. Dans la répartition des navires ex-ennemis nous n’avons pas été plus heureux, n’obtenant que 208 000 tonnes pour couvrir nos pertes de guerre qui, nous l’avons dit, se montaient à 921 000 tonneaux. Afin d’atténuer l’amertume que cette répartition avait provoquée dans notre pays, l’Angleterre nous céda 250 000 tonnes de navires ex-allemands. Mais cette cession fut le résultat d’une opération purement commerciale conclue à des taux désavantageux, la valeur provisoire des navires ayant été déterminée à un moment où ceux-ci se vendaient le plus cher, soit à 40 livres par tonne. Il en résulte que le tonnage français se trouve, en partie, surcapitalisé. La nécessité de faire porter l’amortissement sur des navires dont la valeur d’inventaire est initialement supérieure à la valeur réelle, entraîne inévitablement des surcharges d’exploitation.

Nos armateurs paraissent fondés à demander une compensation de cet état de choses. Il est en effet important d’observer que la reconstitution du tonnage s’est opérée à la demande même du Gouvernement. Reportons-nous à toutes les notes qui ont été écrites, à tous les discours qui ont été prononcés au Parlement, à tous les articles de presse, nous verrons qu’on a fait aux armateurs une sorte de devoir national de cette récupération du tonnage détruit par l’ennemi. Dans certains cas, l’achat de navires a même été imposé aux acquéreurs, par exemple dans l’accord Maclay-Clémentel, où, en présence de plusieurs membres du Gouvernement, nos armateurs ont été conviés, sous peine de forfaiture, à souscrire au contrat politique qui