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Passant ensuite à examiner les moyens pour que la guerre eût une issue heureuse, l’Empereur observa qu’il fallait tâcher d’isoler l’Autriche et de n’avoir affaire qu’avec elle ; que c’était pour cela qu’il tenait tant à ce qu’elle fût motivée par une cause qui n’effrayât pas les autres Puissances du continent et qui fût populaire en Angleterre. L’Empereur a paru convaincu que celle que nous avions adoptée remplissait ce double but.

L’Empereur compte positivement sur la neutralité de l’Angleterre ; il m’a recommandé de faire tous nos efforts pour agir sur l’opinion publique dans ce pays pour forcer son gouvernement, qui en est l’esclave, à ne rien entreprendre en faveur de l’Autriche.

Il compte également sur l’antipathie du prince de Prusse envers les Autrichiens pour que la Prusse ne se prononce pas contre nous.

Quant à la Russie, il a la promesse formelle, et plusieurs fois répétée, de l’empereur Alexandre de ne pas contrarier ses projets sur l’Italie ; si l’Empereur ne se fait pas illusion, ainsi que je suis assez porté à le croire, d’après tout ce qu’il m’a dit, la question serait réduite à une guerre entre la France et nous d’un côté, et l’Autriche de l’autre.

L’Empereur, toutefois, considère que la question, même réduite à ces proportions, n’en a pas moins une extrême importance et présente encore d’immenses difficultés. L’Autriche, il ne faut pas se le dissimuler, a d’énormes ressources militaires. Les guerres de l’Empire l’ont bien prouvé. Napoléon a eu beau la battre pendant quinze ans en Italie et en Allemagne, il a eu beau détruire un grand nombre de ses armées, lui enlever des provinces et la soumettre à des taxes de guerre écrasantes, il l’a toujours retrouvée sur les champs de bataille, prête à recommencer la lutte. Et l’on est forcé de reconnaître qu’à la fin des guerres de l’Empire, à la terrible bataille de Leipsick, ce sont encore les bataillons autrichiens qui ont le plus contribué à la défaite de l’armée française. Donc, pour forcer l’Autriche à renoncer à l’Italie, deux ou trois batailles gagnées dans les vallées du Pô et du Tagliamento ne seront pas suffisantes ; il faudra nécessairement pénétrer dans les confins de l’Empire, et l’épée sur le cœur, c’est-à-dire à Vienne même, la contraindre à signer la paix sur les bases arrêtées d’avance.

Pour atteindre ce but, des forces très considérables sont