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entreprise, de l’œuvre la plus grande qui ait été tentée depuis bien des années. .

L’Empereur n’a pas fait du mariage de la princesse Clotilde avec son cousin une condition sine quâ non de l’alliance, mais il a clairement manifesté qu’il y tenait beaucoup. Si, le mariage n’a pas lieu, si Votre Majesté refuse, sans raison plausible, les propositions de l’Empereur, qu’arrivera-t-il ? L’alliance sera-t-elle rompue ? C’est possible, mais je ne pense pas que cela ait lieu. L’alliance se fera, mais l’Empereur y apportera un esprit tout différent de celui qu’il y aurait apporté si, pour prix de la couronne d’Italie qu’il offre à Votre Majesté, elle lui avait accordé la main de sa fille pour son plus proche parent. S’il est une qualité qui distingue l’Empereur, c’est la constance dans ses amitiés et dans ses antipathies.

Il n’oublie jamais un service, comme il ne pardonne jamais une injure. Or, le refus auquel il s’exposerait serait une injure sanglante ; il ne faut pas se le dissimuler. Ce refus aurait un autre inconvénient. Il placerait dans le Conseil de l’Empereur un ennemi implacable. Le prince Napoléon, plus Corso encore que son cousin, nous vouerait une haine mortelle, et la position qu’il occupe, celle à laquelle il peut aspirer, l’affection, je dirais presque la faiblesse que l’Empereur a pour lui, lui donnerait des moyens nombreux de la satisfaire.

Il ne faut pas se le dissimuler, en acceptant l’alliance qui lui est proposée, Votre Majesté et sa nation se lient d’une manière indissoluble à l’Empereur et à la France.

Si la guerre qui en sera la conséquence est heureuse, la dynastie de Napoléon est consolidée pour une ou deux générations ; si elle est malheureuse, Votre Majesté et sa famille courent d’aussi graves dangers que son puissant voisin, mais, ce qui est certain, c’est que le succès de la guerre, les conséquences glorieuses qui peuvent en résulter pour Votre Majesté et son peuple, dépendent en grande partie du bon vouloir de l’Empereur, de son amitié pour Votre Majesté.

Si, au contraire, il renferme dans son cœur contre elle une véritable rancune, les conséquences les plus déplorables peuvent s’en suivre. Je n’hésite pas à déclarer avec la plus profonde conviction qu’accepter l’alliance et refuser le mariage serait une faute politique immense, qui pourrait attirer sur Votre Majesté et notre pays de grands malheurs.