il faut partir. Nous traversons de nouveau le village de San Ramon et nous remontons vers Tarma par la route si pittoresque que nous avons parcourue le matin. La nuit nous surprend, et je ne suis pas sans quelque inquiétude pour une des voitures qui n’a pas de phares. Heureusement, elle a gravi les passages les plus difficiles avant que l’obscurité soit complète et nous rejoint assez en retard, mais sans encombre.
Le lendemain matin, par un beau soleil, nous repartons pour la Oroya. C’est en plein jour cette fois que nous traversons la Puna et que nous franchissons à 4 300 mètres la Cordillère occidentale. Il faut s’arrêter ici, au point culminant de la route, car le spectacle en vaut la peine : les deux vallées que le col réunit s’ouvrent largement, avec des villages entourés de verdure ; mais les taches lointaines qui évoquent la vie sont à peine perceptibles dans le formidable paysage des Andes désolées. Le cataclysme qui les a soulevées des profondeurs de la terre s’inscrit dans les formes contournées des couches géologiques, que montrent des failles verticales : l’enfantement du géant a été terrible et la terre qui le portait en reste comme morte. Un vent aigre sévit presque constamment à ces altitudes, où des orages terribles éclatent fréquemment. A nos pieds, quelques herbes rabougries ; en nous déplaçant, nous voyons des arbustes, hauts comme la main ; d’un bois très dur, ils sont noueux et contournés, semblables à des vieillards difformes, comme ces arbres centenaires que les Japonais élèvent dans des vases minuscules où ils arrêtent leur croissance en torturant leurs racines.
En arrivant à la Oroya, nous remontons dans notre train, qui démarre aussitôt. Nous traversons le plateau de la Sierra, qui porte toutes les cultures de la zone tempérée, surtout les céréales : blé, orge, avoine ; c’est la patrie de la pomme de terre, qu’on y voit de forme et de couleur très variées, blanche, jaune, verte, rouge.. Mais les arbres sont tous de plantation récente et sont cantonnés autour des villages.
A trois heures de l’après-midi, nous arrivons à Huancayo. Les autorités et les notables nous attendent à la gare. Nous nous rendons au Club national, où on nous souhaite la bienvenue. Je m’aperçois que je fais des progrès dans la compréhension de l’espagnol, et je puis répondre aux discours de telle façon qu’on me parle ensuite dans cette langue ; j’ai peine à