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Quelle que soit la formule législative qui réglera finalement la destinée de l’Université de Gand, il ne faut donc pas trop redouter que celte formule puisse contrarier de façon profonde la force naturelle de pénétration du français en pays flamand.

Il ne faut pas davantage s’exagérer les effets fâcheux du débat actuel sur la solidité d’un lien national qui a été tissé au cours des siècles par une communauté constante de besoins moraux et matériels, d’intérêts politiques et économiques et qui a résisté à toutes les épreuves, qu’elles vinssent du dehors ou du dedans.

Le problème linguistique n’est pas neuf pour les Belges. Ce n’est pas une difficulté qui a surgi brusquement dans leur vie publique et à laquelle rien ne les aurait préparés. C’est, au contraire, un problème permanent qui a toujours été mêlé à notre vie nationale, et dont toute notre histoire est imprégnée. Bien plus, c’est un problème qui est en quelque sorte dans notre sang, à nous qui charrions presque tous dans nos veines quelque chose d’une hérédité wallonne et d’une hérédité flamande, à tel point que, pour beaucoup, il est difficile de dire à laquelle de ces deux sèves ils doivent le plus.

Les grands fiefs qui furent, dans le passé les poutres maîtresses de notre charpente nationale : la Flandre, le Brabant et la principauté de Liège, étaient tous trois taillés du Nord au Sud à travers une frontière linguistique qui demeura à peu près immuable. Chacune de ces grandes provinces, chacun de nos anciens diocèses comprenait, au Moyen-âge, une population de langue wallonne ou française et une population de langue flamande ou thioise. Que cette situation ait présenté certains inconvénients et entraîne quelques complications, assurément, et le débat sur l’Université de Gand en est une nouvelle preuve, qui ne sera certes point la dernière. Mais ce dualisme ne va pas sans quelques avantages compensatoires. L’originalité belge est faite, pour une bonne part, de la rencontre, dans un pays de « marches, » triangle de jonction et triangle de sécurité de l’Europe occidentale, des deux grands courants latin et germanique qui s’y sont mêlés depuis les premiers temps de l’ère chrétienne. Analysant ces réactions réciproques, un de nos plus éminents moralistes, Adolphe Prins, écrivait dans un livre publié au lendemain de l’armistice : « Chacun des deux facteurs