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Qu’étaient donc ces terribles Philistins ? Malfant les dépeint ainsi : « Ils campent sous la tente comme les Arabes. Innombrables, ils règnent en maîtres sur la terre de Gazola depuis les confins de l’Egypte sur l’Océan, jusqu’à Messa et Saffi, et sur les villes nègres qui les avoisinent. De race superbe et de haute mine, ces blancs sont d’incomparables cavaliers qui montent sans étriers avec de simples éperons. Des rois les gouvernent : mais leur législation offre cette particularité que l’héritage passe aux fils de leurs sœurs. Ils ont la bouche et le nez couverts d’un voile. J’en ai vu ici plusieurs. Comme je leur en demandais par un interprète la raison : « Telle est la coutume héritée de nos ancêtres, » répondaient-ils. Certaine espèce de leurs chameaux, blanche comme la neige, couvre en un jour la distance qu’un cavalier mettrait quatre jours à franchir. Grands batailleurs, ces peuples sont continuellement à se battre entre eux. » Vous avez à ce portrait reconnu les Touaregs, le litham qui leur couvre le bas du visage et leurs fameux méharis de course.

Avec un don inné du commerce, Malfant pressentit une réalité qu’un voyageur de nos jours, M. E.-F. Gautier, résumait ainsi : « Le Touat est un point perdu au milieu du plus effroyable désert qui se puisse imaginer. Sur les bords du Niger, la nature a tout fait pour mettre à la disposition de l’homme les bases d’une grande civilisation. » Malfant devina, sans aller jusqu’au Niger, que là était l’avenir. Un hasard lui avait révélé les secrets de l’immense zone qui s’étend du Tchad au Maroc et de la Tripolitaine à la Guinée.

Il avait pour hôte le frère du plus riche marchand de Tombouctou. Et ce frère avait vécu une trentaine d’années dans le bassin du Niger, avant de devenir le cheik de Tamentit, « major istius terrae. » Nous apprenons, par le Chroniqueur de Tamentit, que ce cheik s’appelait Sidi Yahia ben Idir et qu’il était venu s’établir dans la ville en 1438. Par bonheur, le « major » était un bavard, aussi désireux d’éblouir son convive que le major de table d’hôte de la Vie Parisienne. Mais il était autrement précis que l’interlocuteur du baron de Gondremark.

Une erreur mise à part, abstraction faite de la croyance des Arabes que le Nil, le Niger et le Sénégal sont un fleuve unique encerclant le Nord de l’Afrique, la relation de Malfant contenait une liste exacte des Etals musulmans qui se succédaient de l’Océan aux abords du Tchad, depuis le pays des Toucouleurs