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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/667

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XIVe siècle, l’or était amassé dans des fourmilières par des fourmis grandes comme des chats. Elle n’ajoutait point que, pour échapper à la poursuite des monstrueux insectes, les chercheurs d’or étaient montés sur des chamelles dont l’instinct maternel, le désir de retrouver leurs petits, précipitait l’allure. Car telle était la légende primitive relatée par Hérodote. Mais ses informateurs perses la situaient en Asie : et de fait, un écrivain perspicace a établi que la scène avait lieu sur les hauts plateaux du Thibet oriental. Les fourmis étaient des hommes, des mineurs vêtus de peaux de yaks pour se garantir du froid glacial des montagnes : des voyageurs hindous en rencontrèrent encore il y a un demi-siècle. « La paire de cornes provenant d’une fourmi indienne, » que Pline place dans le temple d’Hercule à Erythrée d’Asie-Mineure, provenait d’un yak.

En Afrique, une coutume immémoriale relatée également par Hérodote réglait le commerce de l’or. « Arrivés au delà des colonnes d’Hercule, écrivait l’auteur grec, les Carthaginois tirent leurs marchandises de leurs vaisseaux et les rangent le long du rivage : ils remontent ensuite à bord et font beaucoup de fumée. Les naturels, apercevant cette fumée, viennent sur le rivage de la mer et, après avoir mis de l’or pour le prix des marchandises, ils s’éloignent. Les Carthaginois sortent alors de leurs vaisseaux, examinent la quantité d’or et, si elle leur parait répondre au prix de leurs marchandises, ils s’en retournent à bord. »

Attesté au Xe siècle par Maçoudi, comme le troc habituel des marchands de Sidjilmassa avec les nègres du pays de l’or, le commerce muet était ainsi décrit par un géographe du XIIIe siècle : « Parvenus au bord du fleuve, les Maghrébins frappent sur de grands tambours dont le son s’entend au loin : ils rangent sur la rive, par petits tas marqués du nom de chaque propriétaire, sel, anneaux de cuivre et perles bleues. Puis ils s’éloignent d’une demi-journée. Les nègres passent alors le fleuve, examinent la marchandise, déposent l’équivalent en or, puis s’éclipsent. Retour des Maghrébins qui prennent l’or, s’ils estiment le troc suffisant, ou le laissent, s’ils veulent davantage. Eux disparus, les nègres réapparaissaient et augmentaient ou non leur mise. Après un nouvel examen, l’opération terminée, les Maghrébins partaient au son du tambour, en laissant sur la rive les marchandises vendues. »