son auto, et c’est dans ce somptueux véhicule que j’arrivai à la porte du Kôlnerhof.
Une grande salle carrée avec, au pourtour, un balcon et, au fond, une scène de théâtre. Beaucoup de drapeaux alliés et l’étendard rhénan, vert, blanc et rouge, qui n’est pas du tout « l’étendard impérial. » Il y a là, au moment où j’entre, de deux mille à deux mille cinq cents personnes. Les délégués sont rangés des deux côtés de longues tables, perpendiculaires à celle qu’occupent, — parallèlement à la rampe de la scène, — Smeets, ses principaux lieutenants, qui prendront la parole après lui, les journalistes allemands et un « reporter » belge. Je ne vois aucun représentant de la presse française. L’annonce de ce Congrès rhénan a fait peu de bruit chez nous. L’a-t-on, à dessein, passé sous silence ? Il se peut. La perspective de la création d’un Etat rhénan, plus ou moins indépendant, qui, bientôt, aurait une puissance économique marquée et que l’Etat français, l’ayant soutenu, traiterait peut-être mieux encore « que la nation la plus favorisée, » ne laisse pas d’indisposer beaucoup d’intérêts particuliers peu enclins aux sacrifices patriotiques.
Et puis cet Etat serait catholique... ce qui fait hocher la tête à beaucoup d’hommes politiques « des années cinquante ou soixante, » comme disent les Russes.
Et encore, — peut-être davantage, — faut-il compter avec ceux dont la seule formule de politique française à l’étranger se résume dans ces trois mots : « Que dira l’Angleterre ?... »
Laissons cela. Je me mets à la recherche de mes collègues du Comité. Mais comment les découvrir dans cette foule ? Je pousse jusqu’à la table de Smeets et aussitôt on se lève, on m’accueille, on me fait place, ce qui n’est plus très facile. Il faut que je renonce, non sans regret, à voir mes deux collègues à mes côtés. Je ne les retrouverai qu’à la fin de la séance.
Quelques mots brefs du chef du parti, déjà vigoureusement acclamé. Le programme annonce un chœur. Le voici : une demi-douzaine de chanteurs, pas plus, mais qui sont excellents. Les Allemands, disons-nous volontiers, sont bons musiciens. C’est vrai ; mais là encore, il faut distinguer. Je me rappelle la surprise que j’éprouvai, autrefois, à constater qu’en Prusse, la musique d’opérette, des flons-flons quelque peu vulgaires, — d’étiquette française assez souvent, — étaient beaucoup plus goûtés de la foule que les morceaux tirés des grands maîtres,