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prises avec ce formidable problème, si toutefois les Anglais et les Américains leur permettaient de continuer une telle expérience ; on verrait « comment on s’y prend pour extraire le charbon avec un sabre. »

Le Gouvernement du Reich avait le choix entre deux voies. S’il se prêtait de bonne grâce à des mesures qui n’étaient que la juste et nécessaire sanction d’une politique maladroite et malhonnête, la France contrôlerait la répartition des charbons, percevrait, au lieu et place du Reich, le Kohlensteuer, et tiendrait ainsi des gages qui lui permettraient d’accorder plus facilement, à l’échéance du 15 janvier reportée au 31, un moratorium et de préparer un emprunt qui serait, pour l’Allemagne, un acheminement vers la restauration de ses finances et de son crédit. Le salut de l’Allemagne est étroitement lié au paiement des réparations ; la France l’a toujours pensé et dit, tant il est évident que la prospérité du créancier est liée à la solvabilité du débiteur. Mais le Gouvernement du Reich a préféré exciter sa presse et faire croire au public que la France ne recherche que la destruction de l’Allemagne et sa définitive ruine ; il est aujourd’hui prisonnier des mensonges qu’il a répandus et qui n’ont trouvé que trop créance chez un peuple ulcéré par sa défaite et blessé dans son immense orgueil. Une fois encore, c’est le Gouvernement allemand qui a choisi librement la mauvaise route.

Mais la vraie responsabilité appartient-elle au Gouvernement ? Le chancelier Cuno, ancien directeur de la Hamburg-Amerika, est, plus qu’aucun de ses prédécesseurs, l’homme et l’instrument des grands industriels. Cette caste de 60 000 à 80 000 personnes qui a réalisé, aux dépens de l’État et des particuliers, d’énormes bénéfices grâce à la chute du mark, et que dirigent quelques potentats de la houille, du fer, de l’électricité ou des transports, domine et régente l’État au mieux de quelques intérêts privés ; son alliance avec les hobereaux et la caste militaire date de 1912 ou 1913 et a été l’un des facteurs essentiels qui ont décidé le Gouvernement allemand à faire la guerre : ne fallait-il pas réunir, à l’intérieur des mêmes frontières, le fer et la houille, grâce auxquels l’Allemagne aurait la royauté définitive du monde économique et politique ? L’alliance, ébranlée par la défaite et la révolution, s’est ressoudée et c’est elle qui, une seconde fois, prétend conduire l’Europe au conflit et l’Allemagne au désastre. Le système de la « concentration verticale, » dans l’industrie, se complète logiquement par l’absorption de l’État lui-même comme puissant et indispensable facteur de la production. Plus que jamais Hugo