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même dans les commissions arbitrales. L’Allemagne est en pleine insurrection contre toutes les clauses de la paix. Dans la Ruhr, les mesures de résistance se succèdent, comme si elles étaient prévues par un horaire bien réglé : déménagement des bureaux des syndicats industriels, tel que le syndicat du charbon ; ordre aux industriels de ne prêter aucun concours aux autorités militaires françaises sous peines sévères, fermeture des banques, invitation aux « cheminots » et aux syndicats ouvriers de faire la grève des bras croisés. Le but, l’organe officiel et propriété de M. Stinnes, la Deutsche Allgemeine Zeitung du 15 janvier l’indique sans ambages : « Mettre l’ennemi dans son tort, le forcer à employer partout la force et à placer auprès de chaque civil français une troupe de soldats, ne pas lui laisser de répit sur la voie qui est pour nous celle du droit et de la paix, le forcer à surpasser tout acte de violence par un acte de violence encore plus honteux pour le faire tomber toujours plus profondément dans la boue du mépris universel où doivent se rencontrer les violateurs de la paix et les bandits de grand chemin : voilà que doit être le but de la politique allemande. » C’est une politique qui peut mener loin, plus loin sans doute que ne le souhaite le peuple allemand. En réalité, il s’agit de sauver les intérêts des grands propriétaires de mines et d’usines et de faire croire à l’Allemagne que ses intérêts nationaux se confondent avec ceux des magnats de l’industrie. « L’exécution du plan Poincaré signifiera, pour l’industrie de la Ruhr, la fin de son indépendance et livrera toute l’économie allemande à la France qui se sera assuré de cette façon, après l’hégémonie militaire, l’hégémonie économique do l’Europe. »

Le discours du chancelier Cuno, le 14, ne contient ni un argument de fond ni une objection solide contre les mesures prises par la France et la Belgique ; mais il ne manque pas d’évoquer Louis XIV et Napoléon : c’est à l’Angleterre, évidemment, que ce langage s’adresse. Avec cette prodigieuse faculté d’oubli et d’autosuggestion qui est l’une des caractéristiques de leur mentalité, les Allemands ne se souviennent plus qu’il y a eu la guerre ; c’est le peuple allemand qui fait preuve de patience, de longanimité, en face d’une France agitée et provocatrice dont le plan est de ruiner systématiquement l’économie allemande ; l’Allemagne est livrée aux excès du militarisme français : « On peut être certain, écrit la Gazette de Francfort du 16, que les Français emploieront tous les moyens pour arriver à leurs fins, et l’on sait que le militarisme est très inventif dans sa cruauté. C’est un combat acharné qui se livre et qui n’est encore