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objets indispensables à la collation du sacrement conjugal, c’est-à-dire une croix, un évangile, deux flambeaux, les couronnes et les alliances nuptiales. Le comte Adlerberg, l’aide de camp général Baranow et le général Ryléïew attendaient, sur le pas de la porte.

L’office commença aussitôt. Baranow et Ryléïew, servant de garçons d’honneur, tinrent les couronnes nuptiales au-dessus des conjoints agenouillés. Derrière eux, MIle S... et Adlerberg priaient. L’archiprêtre prononça enfin, par trois fois, la formule sacramentelle, en ayant soin de mentionner chaque fois le titre impérial de l’époux. Il obéissait ainsi à un ordre exprès du Tsar, qui lui avait fait dire : « Ce n’est pas seulement Alexandre-Nicolaïéwitch qui va épouser Catherine-Michaïlowna, c’est aussi l’Empereur. » L’officiant répéta donc, à trois reprises :

Obroutchaetsia rab Bojïy Blagowerny Gossoudar Imperator Alexandre-Nicolaïéwitch s’raboï Bojïy Écatérinoïou-Michaïlownoïou. Sa Majesté l’Empereur Alexandre-Nicolaïéwitch, très dévot serviteur de Dieu, épouse Catherine-Michaïlowna, servante de Dieu.

Mais, quand la liturgie fut achevée, le prêtre s’abstint d’adresser aux conjoints l’invitation usuelle :

Oblobisaï tess ! Embrassez-vous !

Ils ne s’embrassèrent donc pas, n’échangèrent pas un mot et se retirèrent.

Le cortège, silencieux, parcourut en sens inverse et d’une allure très rapide les longs couloirs qui menaient au vestibule.

Là, toujours muet, le Tsar embrassa tendrement sa femme. Puis, du ton le plus ordinaire, il la pria de changer de robe pour venir se promener avec lui en voiture. Se tournant vers Mlle S..., il ajouta :

— Vous viendrez aussi, chère Vava, et vous amènerez les enfants, les deux aînés.

Une demi-heure plus tard, il revenait, ayant échangé son uniforme des hussards pour la redingote vert sombre des chevaliers-gardes.

Ils montèrent dans une calèche. L’Empereur et la princesse occupaient la banquette du fond. Mlle S... leur faisait face entre Georges et Olga.

Le temps était radieux, une de ces glorieuses journées, où l’été septentrional s’épanouit avec une douceur de lumière,