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observations faites par les autorités scolaires, partout où les maîtres se sont appliqués à acquérir rapidement eux-mêmes la pratique d’une langue qu’ils étaient appelés à enseigner et à se servir loyalement des méthodes nouvelles, les progrès réalisés par leurs élèves ont dépassé toute attente. Si ailleurs des erreurs, provenant beaucoup moins du système préconisé par les circulaires du recteur d’Académie que de son application défectueuse, ont été constatées, il faut s’en prendre non pas à l’inertie des enfants, mais aux maladresses involontaires ou aux préjugés de certains instituteurs.

N’oublions pas d’ailleurs que l’expérience ne porte encore que sur quatre années, qu’elle a été tentée sur des enfants qui avaient reçu auparavant une instruction complètement allemande, par des maîtres dont beaucoup ignoraient eux-mêmes les premiers éléments de la langue française, et que, pour consolants qu’ils soient, les résultats obtenus jusqu’ici ne sauraient être comparés à ceux que donneront huit années pleines de scolarité sous la direction d’instituteurs pleinement familiarisés avec la langue nationale.

Nos adversaires s’en rendent parfaitement compte. L’agitation qu’ils entretiennent artificiellement n’en est que plus incompréhensible. Ce qui les exaspère le plus, et pourtant l’argument garde toute sa valeur, c’est la constatation que l’allemand littéraire n’est et ne fut jamais la langue maternelle des Alsaciens et d’une partie des Lorrains. Le fait est indéniable, quoi qu’ils en disent.

Sous le régime de l’instruction obligatoire, un peuple ne saurait se passer d’une langue écrite. Pendant l’occupation allemande, on ne pouvait, dans les écoles publiques, enseigner que le bon allemand. Tous les anciens annexés ont dès lors une connaissance suffisante de cette langue ; mais s’en suit-il que l’allemand soit devenu leur langue maternelle ? Il y entre le dialecte qu’ils parlent et l’allemand classique, presque la même différence qu’entre le provençal et le français.

Un Alsacien, qui a passé huit années de son enfance dans les écoles d’autrefois et deux années de sa jeunesse dans les casernes allemandes, lit couramment l’allemand, l’écrit plutôt mal que bien et ne le parle jamais, s’il n’y est pas contraint. Voilà ce que chacun peut constater entre Vosges et Rhin. C’est donc une langue, à proprement parler, étrangère qu’on lui a