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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 13.djvu/839

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d’entre eux possédaient au lendemain de l’armistice. Et songez combien leur esprit dont, je le répète, les premiers préjugés paraissaient justifiés, a évolué. Il s’en trouve déjà qui, publiquement et au risque de s’exposer aux pires attaques, proclament les bienfaits de la méthode directe. Ces manifestations se multiplieront et le dernier carré des défenseurs de la Muttersprache fondra sous le feu convergent de leurs adversaires de la première heure et de leurs anciens amis.

L’opposition avait cependant été si forte, à un moment donné, que le recteur de l’Université de Strasbourg lui-même avait failli en être ébranlé : « Je m’étais demandé, disait-il dernièrement, si je n’avais pas fait fausse route. Aujourd’hui, je suis sûr d’être dans le vrai devant les résultats obtenus. » Hé ! oui, il était dans le vrai. S’il n’avait pas procédé à une opération radicale dès le début, dans vingt ans le problème se serait posé avec la même acuité.

II en est de la langue scolaire, comme de la langue judiciaire. Pour cette dernière, il fallait également, tôt ou tard, en venir à l’usage exclusif de la langue nationale. Maintenir l’allemand dans les prétoires, c’était peut-être faciliter la tâche immédiate de quelques plaideurs ; mais c’était singulièrement compliquer celle des juges qu’on ne pouvait pas tous recruter sur place. La dent a été arrachée d’un seul coup. La souffrance n’a été que passagère. A l’heure présente, nos avocats alsaciens plaident en un français très élégant et les magistrats peuvent suivre utilement les débats. Les interprètes qui, de toute façon, eussent été nécessaires, font le reste. Là encore nous aurions vécu, pendant de nombreuses années, dans le plus fâcheux des provisoires, si on avait écouté les défenseurs de la prétendue langue maternelle.

Ceux-ci, il faut bien le reconnaître, argumentent avec la plus implacable logique, et de prémisses fausses déduisent les conclusions les plus rigoureuses. Ne vont-ils pas jusqu’à exiger que tous les fonctionnaires nommés en Alsace et en Lorraine aient la connaissance et la pratique de l’allemand et même du dialecte local ? Comme les Flamands, les Bretons, les Béarnais, les Catalans et les Provençaux pourraient avoir les mêmes exigences, les malheureux fonctionnaires migrateurs de la République passeraient toute leur vie à apprendre tous les idiomes parlés sur le territoire national. Or, c’est précisément parce que