Bethléem, les jeunes héros de l’histoire avaient montré la malice naturelle et permise à leur âge. Sur le chemin de la crèche, les enfants avaient rencontré les rois. La marche de ceux-ci terminait la première partie de l’ouvrage par un finale éclatant. La musique en était pittoresque, à l’orientale, avec cela plaisante et légèrement ironique. Le défilé des grands personnages n’en imposait pas à ces petits. Tout en le saluant, en l’acclamant, ils en riaient entre eux. Et c’était une jolie observation de psychologie enfantine que ce cortège sérieux et même royal, regardé, commenté et, — passez-nous le mot, — « blagué » par des gamins.
La marche et la danse des ægipans, au premier acte de Cydalise, est animée du même esprit ; elle a le même air de jeunesse, presque d’enfance et de libre espièglerie. L’air antique avec cela, que lui donne le rythme, et le ton, et le mode, ou plutôt les modes et les tons qui s’opposent et se heurtent. On entend partir ici comme des pétards, ou des pétarades, les plus drôles du monde, y compris la rentrée finale, par où le thème, l’harmonie, toute la musique retombe d’aplomb, j’allais dire sur ses pieds, mais plutôt sur leurs pieds à tous, leurs pieds de chèvre, frémissants et bondissants.
Au sens où Sainte-Beuve prenait le mot, avec « l’idée de source et de jet perpétuel, » la musique de Cydalise a bien de l’esprit encore. Elle est pleine d’idées, ou de motifs ; elle est fertile en tours et détours ingénieux ; à tout moment elle fait un geste, elle prend une attitude sonore. Cette œuvre légère est musicale non seulement avec plus de finesse, mais avec plus de richesse, beaucoup plus, que tel ou tel gros ouvrage d’aujourd’hui. Mais n’allez pas surtout prendre M. Pierné pour un nouveau riche. (La musique aussi a les siens.) Son luxe même n’a rien de voyant ou de tapageur. Pourtant il n’est rien non plus qu’il se refuse. Il lui faut un clavecin, un piano, cinq clarinettes, si je ne me trompe, et jusqu’à six flûtes, — j’en suis sûr, — qui font à certain moment, toutes ensemble, un bien joli ramage. Pas un orchestre n’est plus nombreux que le sien ; avec ou malgré cela, pas un n’est moins épais et moins pesant, plus agile et plus limpide ; en nul autre plus d’air ne circule, et plus de lumière ne se joue. Maître de cet orchestre, et non pas, comme tel ou tel « polyphoniste » aujourd’hui, son esclave, M. Pierné lui commande sans rigueur et sans brutalité. Si riche encore une fois que soit le matériel ou la matière sonore dont il dispose, toujours il la domine et l’allège par l’esprit.
Par la poésie et le sentiment, il va jusqu’à l’émouvoir, à l’attendrir.