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revue des deux mondes.

— Et dans quel esprit, l’un et l’autre ?

— Vous pouvez vous en rendre compte par vous-même. Voulez-vous entendre Renan ? Voici deux lettres où il nous annonce sa venue et, vingt ans plus tard, le voyage d’Ary.

Et M. Gaillardot de nous trouver aussitôt dans ses papiers deux belles pages, dont il a bien voulu me donner une copie :


Sèvres, 16 octobre 1864.


Renan au docteur Suquet.

Mon cher ami,

Il est probable que nous allons bientôt nous revoir. Cet été, en travaillant à mon histoire des Apôtres et en particulier de saint Paul, j’ai conçu un vif désir de voir Antioche, Ephèse, Thessalonique, Athènes, Corinthe, les principaux lieux enfin de cette histoire. Naturellement, remettant le pied en Syrie, j’ai songé à revoir quelques-uns des points que j’ai déjà visités et qui m’ont laissé tant de souvenirs, quelques-uns si cruels. J’ai à remplir envers ma pauvre sœur un douloureux devoir. Puis il y a un endroit, Oum-el-Awamid, où je voudrais reprendre quelques fouilles. Je ne sais encore dans quelle mesure je le pourrai, mais le principe du voyage est chez nous arrêté. Ma femme m’accompagnera. Nous avons bien des liens à rompre derrière nous. Mais quand voyagerait-on, si on attendait que tous les fils de la vie s’ouvrissent d’eux-mêmes pour laisser un espace libre ? Nous avons donc brusqué notre résolution, et presserons le plus possible notre départ. Je ne sais si nous serons prêts pour le paquebot du 29 de ce mois ; si nous le manquons, nous partirons par celui du 9 novembre.

Je reçois aujourd’hui une lettre de Gaillardot, où il m’apprend qu’il part pour la Syrie. Ayez la bonté de lui faire passer le mot ci-joint. Vous verrez, en lisant ce mot, que l’époque où j’arriverai à Beyrouth est encore fort incertaine. Avertissez Khadra, si vous le voyez, de notre prochaine arrivée. S’il y a un télégraphe d’Alexandrie à Beyrouth, je lui télégraphierai, quand le jour de mon arrivée en cette dernière ville sera fixé. C’est pour moi une grande joie, mon cher ami, de vous revoir, et c’est en grande partie ce désir qui m’a porté à commencer