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savourerai, car je les vois rares dans l’avenir. J’attends Auguste ; il sera ici, je pense, en même temps que vous. J’ai pensé à Thérèse [1] pour votre relieur, mais la question est presque inabordable. Si elle vendait sa propriété, elle aurait de quinze à vingt mille francs peut-être. N’en eût-elle que quinze, votre homme serait content, et elle heureuse, je crois, de sortir de son enfer. Mais comment parler de cela ? Venez et voyez.

Adieu, je ne puis rien vous dire de mieux que de vous peindre la sensation de bonheur que m’a donnée votre lettre ; elle rive mon amitié à la vôtre. Adieu.


Balzac compatit à la triste situation du protégé de Mme Carraud ; il va chercher à l’améliorer. Certainement Emile de Girardin lui procurera un emploi, et le 4 novembre 1833, Balzac écrit à son amie :


Je vous dois à vous, ange d’amitié, compte de votre protégé. J’ai vu Mme de Girardin (Delphine). Au retour de son mari, qui revient le 6 de Bretagne, il y aura peut-être une réponse favorable et heureuse à donner à ce pauvre vieillard, dont le personnage dépeint par vous m’a fait frémir. Je ne sais rien de plus profondément touchant que cette figure résignée, calme et triste sous ces cheveux blanchis par le malheur. Emile a besoin d’un homme probe. Je ne puis pour le moment employer M. de Balay. Emile le pourra. Et si cela est possible, ce sera, ou je mettrai mon bonnet de travers !

Vous avez vraisemblablement le Borget à vos côtés. Il est bien heureux. Moi, je pioche comme un forçat. Mon voyage est remis à quinzaine [2]. Je ne puis m’en aller de Paris qu’après la publication des Études de mœurs au XIXe siècle, et la confection faite de la seconde. Vous lui apprendrez mon traité ; ça le réjouira, l’artiste. Quant à ses intérêts dans l’affaire, qu’il en prenne à son aise, qu’il fasse à son aise, qu’il fasse a sa fantaisie. Mon Dieu, je serais au désespoir qu’il eût l’ombre d’un souci, d’un doute à ce sujet. Je devais lui écrire ce que je lui ai écrit, lui offrir ce que je lui ai offert. Après cela, dites-lui que l’affaire est retardée par suite du papier. Nous n’avons pas encore de marché satisfaisant.

Ecrivez-moi, ou lui, s’il veut que je lui fasse sa provision de

  1. Jeune fille qui vivait chez les Grand-Besançon.
  2. Ce voyage, dont Balzac parle, sans en indiquer autrement le but, était un voyage à Genève, pour retrouver Mme Hanska.