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reprend aussitôt ses droits et trace un vivant tableau du banquet de Phalère.

Voici enfin le portrait achevé. À travers les formules un peu générales, on reconnaît d’abord une intelligence très claire et très vive. M. Goyau a donné la primauté, dans l’esprit de Denys Cochin, à la philosophie sur la politique. Ou plus exactement, du moins si je ne me trompe, il a montré comment la philosophie, la raison, et une science étendue avaient animé et conduit cette politique ; de là cette largeur de vues et ce goût pour les solutions libérales. Ajoutez une élévation de sentiments qui fera de Denys Cochin le défenseur des peuples malheureux. Son royalisme est fait à la fois d’une idée de la monarchie et d’une fidélité honorable. Sa foi n’est point hostile à la science. Il a concilié tout ce que les plus beaux esprits peuvent aimer. Cette conciliation exaspère les hommes têtus et bornés. Elle devance l’avenir, et en cela elle irrite le commun. Mais elle est le signe où se connaît celui qui prévoit et qui pense.


M. Ribot devait recevoir M. Goyau, et son discours était achevé, quand il a lui-même succombé. Son fauteuil est resté vide au bureau, où M. Bédier et M. Marcel Prévost ont seuls pris place. Et M. Bédier a lu le discours.

C’est un discours un peu à l’ancienne mode, où le goût des idées générales se marque, à la façon d’il y a trente ans, par des discussions : la politique est-elle inférieure à la philosophie ? — et par des exercices : éloge des bienfaits de la Révolution. On n’attend pas que de tels sujets soient traités à fond. L’art académique est de les indiquer en quelques phrases, tantôt fines et tantôt éloquentes. M. Ribot y mêle des souvenirs, des portraits, de jolis tableaux, des réflexions. Il est encore dans la tradition en adressant au récipiendaire des compliments acérés, ou des flèches émoussées, auxquelles il reste juste assez de tranchant pour marquer sans blesser. Cette adresse à forger des armes courtoises est un des travaux de l’éloquence. Il y a des phrases ambiguës où tous les mots sont aimables, et qui, on ne sait pourquoi, ont un air d’épigramme. » Il ne semble pas que vous ayez laissé votre imagination, encore moins votre fantaisie, se promener dans les sentiers de l’art, de la science et de la politique, avant de trouver votre véritable vocation. » Et plus loin : « Vous n’aviez guère de goût, paraît-il, pour l’abondance cicéronienne et je reconnais volontiers que si vous êtes devenu à votre tour assez abondant dans vos écrits, vous ne l’êtes pas de la même manière que Cicéron. » Et