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logiquement quand elle a tant travaillé à consolider ce droit, la propriété agricole, la petite propriété ; tandis que, si un système différent et, en particulier, le droit d’appropriation du sol en commun, le « communisme, » était le véritable but que doit se proposer la civilisation, alors celle-ci se serait égarée depuis des siècles et elle ne serait qu’une longue erreur. La science de Fustel de Coulanges, cette science poussée jusqu’au scrupule, ayant établi, précisément, que civilisation et propriété individuelle furent inséparables, il en résulte encore que si, au sortir des grandes crises, l’humanité fait un retour vers la terre et demande au sol les conditions d’une paix et d’une prospérité nouvelles, elle se conforme à l’expérience des âges et ne fait, selon le conseil d’Aristote, que « revenir à sa primitive institution ».

Le moins que l’on puisse dire, d’après Fustel de Coulanges, c’est que, sans le droit de propriété, il n’y eût pas eu de civilisation méditerranéenne, c’est-à-dire pas de civilisation européenne ; et si l’on cherche, pour l’avenir, d’autres lois et d’autres mœurs, une autre organisation de la Société, eh bien ! cette autre chose sera de naissance extérieure ; elle vient d’ailleurs ; c’est une conception adventice ; répétons le mot du XVIIIe siècle : « elle est née dans les bois. »

Il ne suffit pas de constater le fait en tant que fait ; il faut chercher la cause. A ce devoir Fustel de Coulanges ne se dérobe pas ; il la cherche avec la même conscience et il la découvre, non seulement dans l’histoire, mais dans la nature humaine. Car, cet historien n’est ni spécialement un juriste ou un économiste, et pas du tout un matérialiste ; observateur des sociétés humaines, c’est un psychologue, un psychologue des masses et, par conséquent, un idéaliste. J’y reviendrai ; mais c’est un trait caractéristique qu’il faut relever dès maintenant, pour prendre la mesure de son œuvre : « L’histoire, écrit-il, n’étudie pas seulement les faits matériels et les institutions ; son véritable objet est l’étude de l’âme humaine ; elle doit aspirer à connaître ce que cette âme a cru, a pensé, a senti aux différents âges de la vie humaine. » Et c’est par la recherche de l’idée historique, de l’idée-moteur qu’il en vient à déterminer le sentiment en action qui a posé, par exemple, la pierre du foyer, étendu les limites du domaine et fondé la société : « Reportons-nous aux âges primitifs de la race aryenne. L’enceinte