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Toscane ! J’espère que l’Empereur ne lui passera pas cette velléité. Gramont et lui sont furieux contre nous. Ils ne s’en cachent pas. Ils cherchent tous les moyens pour amener un conflit ; ils n’y réussiront pas, car nous reculerons toujours devant les Français, mais il résultera de leur conduite, qu’on doutera des bonnes intentions de la France en Italie, qu’en Angleterre, on s’imaginera qu’on médite quelque chose sur Naples, sans que, d’un autre côté, le Pape et l’Autriche se réconcilient avec le vainqueur de Solférino.

Mais ce qui nous inquiète le plus pour le moment, c’est Varsovie. Je pense qu’il ne serait pas impossible que l’Autriche obtînt le consentement de la Russie et de la Prusse pour tenter un coup d’Etat en Italie. Le moment serait mal choisi pour nous, car une portion de notre armée se trouverait éloignée du théâtre de la guerre. Toutefois, nous serions en mesure de nous défendre, surtout si nous étions prévenus à temps. Malheureusement, je n’ai aucun moyen d’être informé de ce qui se passera à Varsovie. Votre Altesse pourrait nous rendre un bien grand service en me faisant connaître les résolutions qui y seront prises. J’ose implorer sa bienveillante amitié à cet égard. Un avis de sa part nous serait d’un avantage incalculable. Si Votre Altesse nous croit menacés, je suspens le départ des troupes qui doivent s’embarquer à Gênes, et je fais revenir une ou deux divisions de Naples. Avec cela, je ne crains pas une attaque des Autrichiens sur la droite du Pô. Bologne est complètement armé. Plaisance sera, à la fin de ce mois, dans un état de défense respectable. A Pizzighettone, nous n’avons plus qu’à placer quelques canons, ce qui sera fait dans le courant de la semaine. Avec ces appuis, notre armée, commandée par La Marmora et Sonnaz, ne se laissera pas entamer par les Autrichiens. Ces généraux arrêteront l’ennemi et donneront le temps au Roi et à Cialdini de venir le battre. L’enthousiasme des soldats est très grand, tandis que l’armée autrichienne est à demi démoralisée. Nous n’avons rien à craindre, si nous ne sommes pas pris en surprise. J’ose donc insister auprès de Votre Altesse pour quelle daigne nous éclairer sur les intentions de l’Autriche à notre égard. Gropello [1] aura toujours le chiffre et un courrier aux ordres de Votre Altesse.

  1. Le comte Giulio di Gropello, chargé d’affaires d’Italie à Paris après le départ du chevalier Nigra.