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Le dimanche 20 février 1848, après le conseil des ministres qui se tint sous la présidence du Roi, le garde des sceaux, M. Hébert, demanda à Louis-Philippe l’autorisation de lui envoyer, le lendemain, un paquet d’ordonnances à signer. En plaisantant, le Roi reprocha à M. Hébert d’être parmi ses ministres celui qui, sous ce rapport, lui donnait le plus de besogne, et comme, au conseil, la question de l’opportunité de la retraite du cabinet avait été plusieurs fois mise en question, retraite qu’il avait constamment combattue avec énergie, Louis-Philippe ajouta : « Envoyez tout ce que vous voudrez, pourvu que ce ne soit pas votre démission, car je ne l’accepterais assurément pas. » De ces paroles il résulte nettement que, à la date du 20 février, l’intention du Roi n’était point encore de se séparer du cabinet que présidait M. Guizot.

Cependant, le banquet depuis longtemps annoncé et organisé par un comité du XIIe arrondissement [1] pour manifester en faveur des réformes réclamées par l’opposition, devait avoir lieu le 22 février à midi. Ayant finalement résolu de ne point s’opposer formellement à ce festin populaire, mais pourtant de protester contre sa tenue en faisant dresser procès-verbal de contravention par un commissaire de police afin de pouvoir amener les tribunaux à juger la question de légalité, le Gouvernement avait délégué M. Vitet [2] et M. de Morny [3] auprès de MM. Duvergier de Hauranne [4], Léon de Malleville [5] et Berger [6] pour les informer de sa décision. Malgré cet avis officieux, un programme de la manifestation parut le 21 février dans les journaux de l’opposition, programme réglant moins les détails du banquet, que la composition, l’ordre, la marche du cortège qui devait se rassembler sur la place de la Madeleine, et dans lequel les gardes nationaux étaient invités à prendre rang. Le Gouvernement vit, avec raison, dans ce manifeste, un empiètement sur ses attributions, une atteinte à l’autorité publique et crut devoir prendre des mesures en conséquence. En effet, l’esprit conciliant dont le ministère avait fait

  1. Aujourd’hui Ve arrondissement.
  2. M. Vitet, député de la Seine-Inférieure.
  3. Le comte de Morny, député du Puy-de-Dôme.
  4. M. Duvergier de Hauranne, député du Cher.
  5. M. Léon de Malleville, député de Tarn-et-Garonne.
  6. M. Berger, député de la Seine.