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fut telle parmi nous que M. Bignon [1], notre président, leva la séance en nous disant :

— A après-demain vendredi, messieurs, si les événements le permettent.

« Je me rendis alors au salon de la Paix où je racontai qu’à la commission du budget nous venions d’entendre le canon : Nombreux étaient ceux qui hésitaient à le croire, lorsque M. Passy, quoique toujours confiant, nous dit : « Il est possible qu’on ait tiré le canon dans la rue Rambuteau. »

« Quelques instants après, plusieurs membres de l’opposition sortirent fort animés de la salle des séances et j’entendis M. Crémieux [2] s’écrier : « Allons, messieurs, nous placer entre le peuple et la troupe ; il est impossible que nous laissions égorger nos concitoyens. » Comme le bruit se répandit aussitôt que M. Vavin [3] voulait interpeller le Gouvernement, nous entrâmes à la séance ; mais, sur l’observation faite par M. Hébert que M. Guizot et M. Duchâtel n’étaient point arrivés au Palais-Bourbon, M. Vavin avait été contraint de différer son interpellation. Nous ressortîmes alors, pour la plupart, de la salle, tandis que M. Jules de Lasteyrie [4], très agité, annonçait que la garde nationale envoyait une députation pour demander la réforme. Afin de juger ce qu’était cette députation, je me rendis sur le grand escalier extérieur du Palais-Bourbon, d’où j’aperçus en effet, arrêtés sur le quai d’Orsay, à l’entrée du pont de la Concorde, quelques gardes nationaux qui ne dépassaient guère en nombre la valeur d’une compagnie et qui remirent à des députés de l’opposition la pétition dont ils étaient porteurs. »


Pendant que mon père était témoin des divers incidents qu’il vient de nous retracer, que s’était-il passé en haut lieu, quels motifs avaient pu retenir ainsi absents du Palais-Bourbon M. Guizot et M. Duchâtel ? Nous le saurons par le récit que M. Hébert en fit à mon père.

  1. M. Bignon, député de la Loire-Inférieure.
  2. M. Crémieux, député d’Indre-et-Loire, qui fut, en 1870, membre du Gouvernement de la Défense nationale.
  3. M. Vavin, député de la Seine.
  4. Le comte Jules de Lasteyrie, député de la Sarthe.