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documents, détruits lors de l’incendie, documents qui avaient fait de cette bibliothèque une source unique de notre histoire ?

Puis n’a-t-on pas célébré les exploits des bandes espagnoles contre les Français pendant la guerre d’Espagne ? C’étaient pourtant des francs-tireurs ! Et les massacres des débris de la Grande-Armée, par les paysans prussiens ? C’est le cas de dire Wenn zwei dasselbe thun, ist es nicht dasselbe...

Je ne désire plus qu’une chose : c’est qu’on fasse la paix. La partie est perdue pour la France ; eh bien ! que cela finisse ! Plus que jamais la France a une mission à remplir. On voit par cette guerre où mène l’exagération de la force. Ordre, discipline sont assurément de belles choses, mais poussés à ce point, elles deviennent ennemies de la liberté. C’est à se demander si le désordre a jamais accumulé des ruines aussi grandes et en aussi peu de temps. Et dire que cette guerre n’en est encore qu’à sa troisième semaine !


3 septembre. — Le matin, tandis que je travaillais au portrait de tante Mathilde, la bonne tante Hortense, qui épluchait des noix à côté de nous, ne cessait de gémir sur les malheurs de la guerre et la misère des pauvres gens. Elle déteste maintenant les Allemands. Pourtant autrefois elle ne manifestait pas ces sentiments. Mais de toutes parts je sens un revirement qui se fait dans le peuple. Ce qui horripile le plus ma tante, c’est cette germanisation à outrance qui va jusqu’à changer les noms des villages et des personnes.

— Dire que dans mes vieux jours je suis obligée de m’entendre appeler Hortensia !

... A notre retour de promenade, la bonne me dit que le gendarme fait une enquête à mon sujet. Il a passé chez notre voisine, la laitière, pour s’informer auprès d’elle si j’avais des sentiments allemands et si elle savait ce que je pouvais bien faire tous les deux jours à Klingenthal chez mon ami S.


UN RÉGIME DE TERREUR ET DE DÉLATION

4 septembre. — ... Rencontré sur la route mon ami le tanneur avec lequel je fais un brin de causerie. Il me recommande de prendre garde à ne rien dire qui puisse être mal interprété : que dans chaque village il y a des mouchards chargés de renseigner