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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 14.djvu/663

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Et ce matin, devant ces vergers et la mer,
Je songe aux plis secrets de l’Alpe verte et rude,
Où le rhododendron, rajeuni par l’hiver,
Remplit de sa ferveur la haute solitude.

CLAIR DE LUNE


Par l’espace tranquille expire en faible plainte
Le chant du jour qui meurt :
La terre vaporeuse et le soir d’hyacinthe
Unissent leur langueur.

Ils sèchent sur l’arène,
Les filets fatigués de labourer la mer,
Et l’heure élyséenne
Enlève au vent marin tout ce qu’il a d’amer.

On dirait que s’éveille
Une douceur vivante aux profondeurs du ciel,
Et l’âme s’émerveille
A voir naître dans l’ombre un jour surnaturel.

Des anges ou des muses
Éclairent par instants les grands sapins obscurs,
Et sur les rochers durs,
Des pieds blancs font briller des lumières confuses.

Mais l’onde qui s’émeut
Magiquement allume un lumineux sillage,
Car, là-bas, peu à peu,
Séléné pâle y met son incertaine image ;

Le zéphire s’endort,
Et tandis que s’éveille une lyre étouffée,
La lune aux cheveux d’or
Oscille sur les flots comme le chef d’Orphée.


ALFRED DROIN.