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l’été dernier. Les motifs exprimés dans ma déclaration du 22 février, m’ont forcée à faire connaître mon mariage. Je me suis toujours refusée à nommer le nom de mon mari, désirant vous l’apprendre d’abord ainsi qu’aux miens.

« Le vicomte de Chateaubriand est parti avec des lettres de moi pour Prague, afin d’en donner connaissance au Roi et à ma famille. Un événement qui ne peut tarder me forcera à nommer ostensiblement mon mari, mais du moins vous serez prévenu. Faites-moi le plaisir, en embrassant ma chère maman, de lui en faire part ainsi qu’à votre femme et à mes chers frères et sœurs. Si je puis enfin obtenir ma liberté, ma santé qui est fort délabrée me fait vivement désirer d’aller, pour me remettre, passer quelque temps en Sicile, avant de vous voir et d’aller enfin rejoindre mes chers enfants. Voilà l’objet unique de mon ambition et de tous mes vœux, après tant d’infortune et de malheurs. Je serai heureuse de retrouver un frère et une famille que j’ai toujours si tendrement aimés.

« Croyez, mon cher frère, à toute l’amitié de votre affectionnée sœur et amie.

« CAROLINE. »


Vienne, 20 juin.

J’ai diné chez le prince de Metternich dans sa demeure du Rennweg. En dehors des Metternich, il n’y avait que le prince Paul Esterhazy, qui repart demain pour son ambassade de Londres. Nous avons parlé de l’Angleterre et des correspondances de M. Neumann. Dans une de ses dépêches se trouve le trait suivant. M. O’Connell a invité des Irlandais à dîner, en leur écrivant : « Je vous engage à venir chez moi, mais, vu la triste situation où nous sommes, je ne vous offrirai que du bœuf et des pommes de terre. — J’accepte, a répondu un des Irlandais, avec d’autant plus de plaisir que j’avais ordonné chez moi le même dîner, au bœuf près. » Malheureuse Irlande !

On me cite un joli mot du prince de Ligne. Un jour, le comte Hoyos se mit à bâiller devant lui : « C’est précisément ce que j’allais vous dire, » s’écria le prince sur un ton narquois. Peut-on déclarer d’une façon plus spirituelle à quelqu’un : « Si je vous ennuie, vous m’ennuyez pareillement. »