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plus encore d’une sagacité et vivacité naturelles, qu’on appelle volontiers flair clinique.

Aussitôt commence le second temps, très différent. Le malade est minutieusement examiné, organe par organe, fonction par fonction. L’habileté professionnelle, servie par toutes les ressources que la science nous ménage, y joue le principal rôle. N’oublions pas la conscience. Cette analyse demande du temps et de la patience, recueille les faits qui s’offrent, cherche ceux qui se cachent, les interprète tous. Ce n’est pas un enregistrement passif, mais une série de constats, dont chacun ne devient tel que par une décision de l’esprit. Celui-ci est-il arrêté : il n’hésite pas, prend son vol et, en quelques coups d’aile, ramène l’hypothèse qu’il vérifiera avec autant de soin qu’il a mis d’entrain à l’aller chercher. L’analyse est une activité très haute de l’esprit.

L’analyse amasse les documents : le travail qui vient après les met en œuvre. Les uns sont rejetés, les autres retenus, ceux-ci classés selon leur valeur, dans un ordre logique, où l’enchaînement et la concordance des parties dans le tout dégagent une belle lumière. C’est la synthèse, non pas une simple totalisation, mais un vigoureux effort, un nouveau jugement, qui infirme ou confirme le premier et dans ce cas le précise. Il est d’une autre qualité, supérieur, œuvre de la pensée réfléchie qui s’y engage tout entière, et il vaut ce qu’elle vaut elle-même. On termine en récapitulant tout ce qui a été fait, afin de ne rien omettre et on donne au jugement sa forme définitive, qui permettra de parler et d’agir.

La succession de ces différents actes n’est pas toujours facile A discerner parce qu’ils se mêlent et s’entre-pénètrent, mais tel est bien le progrès de notre esprit dans un examen clinique. Plus d’un l’aura reconnu pour l’avoir vu souvent ailleurs. Au XVIIe siècle, où le Discours de la Méthode était à tous familier, personne ne s’y serait trompé, et Mme de Sévigné n’aurait pas manqué d’écrire à sa fille : « Voilà bien ou à peu près les quatre règles de notre père Descartes. »


De cette démarche intime de son esprit, le médecin ne s’inquiète guère et d’ailleurs, le plus souvent, ne se doute pas. D’autres soins le retiennent. Il est tout entier, non au mécanisme de sa pensée, mais à l’objet qu’il lui donne, le cas clinique