greffier au bout de la table et le gendarme à la porte sont peu favorables aux libres épanchements. Le médecin, au contraire, est dans les conditions les meilleures et ne se fait pas faute d’en profiter. La conversation avec le malade a grande importance à ses yeux : il y consacre son temps et ses soins. Le médecin qui ne cause pas est en état d’infériorité manifeste.
Il n’y a pas de règles pour cette conversation, qui le plus souvent s’improvise au gré de l’incident journalier, non sans caprice. Mais quelques remarques ne seront pas sans intérêt.
Et d’abord, tout est infiniment variable, selon les malades et selon les jours avec chaque malade. Ici vous devez être sobre de paroles, et là plus prodigue. Le ton sera tour à tour léger ou sévère. Avec l’un, il faut tâcher d’avoir de l’esprit ; avec l’autre, cacher celui que l’on a. Si vous parlez avec élégance, tant mieux, mais il n’est pas nécessaire. Parlons avec notre langue de tous les jours, sans oublier l’accent. L’important est d’être simple, naturel, surtout aimable. Cette dernière qualité est assez commune chez le médecin, parce que, malgré l’accoutumance, son cœur est au fond toujours attendri.
Précisons davantage. Puisque, en causant, nous nous proposons de faire causer notre interlocuteur, il est nécessaire de choisir les sujets qui lui plaisent. Nos préférences personnelles doivent être écartées, le sacrifice ne coûte guère à un homme bien élevé.
Le sujet de choix, pour la conversation du médecin, c’est le malade lui-même. La maladie fait naitre un égoïsme intense, parfois féroce, chez les meilleurs d’entre nous. Si leur bonté native réparait au cours de la maladie, — et elle reparaît souvent, — c’est qu’ils sortent d’eux-mêmes, oubliant leur mal. Ils ne peuvent l’oublier devant leur médecin, dont la présence le leur rappelle, et, pendant qu’il est là, ils veulent jalousement pour eux seuls toute sa pensée. Que le médecin dise un mot, un seul mot, sur ses affaires ou ses propres souffrances, et voilà le malade en émoi. « Mon pauvre docteur me néglige ; hier, il ne m’a parlé que de son automobile et aujourd’hui de sa sciatique. » Parlons au malade de lui, toujours de lui.
Voilà le sujet principal trouvé, mais il faut des sujets accessoires pour donner de l’air à la conversation et du répit à la pensée. Choisissons ces sujets de telle manière que l’égoïsme du malade y trouve également son compte. Égoïste, il est encore