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beaucoup de maladies, et que la santé et l’hygiène générales seront d’autant plus florissantes qu’on vivra davantage à sa saine lumière et moins à celle des lampes.

Telles sont les deux considérations dominantes qui ont d’abord fait adopter l’heure d’été. On remarquera que, dans l’exposé précédent, j’ai parlé surtout de ce qui se passe l’été. L’hiver, en effet, les considérations invoquées perdent de leur force. Les gens qui se lèvent, par exemple, à 6 heures, le font en effet bien après le soleil en été et bien avant lui au gros de l’hiver. Pour ces gens-là, le bénéfice de l’heure d’été ne subsiste pas en hiver, s’ils se couchent, par exemple, à dix heures du soir,— je veux dire à 22 heures, car il sied de ne pas enfreindre les décrets administratifs réglant notre langage. Il est vrai qu’un grand nombre de citadins se lèvent non pas à 6 heures ou plus tôt, mais à 7 heures ou plus tard. Pour tous ceux-ci, au contraire des précédents, il y a des heures de soleil perdues même au gros de l’hiver ; c’est pourquoi certains ont proposé que l’heure d’été fût adoptée toute l’année durant. Il est certain que les bénéfices seraient moins grands et qu’un plus petit nombre de citoyens en profiteraient l’hiver que l’été. Il n’en est pas moins vrai qu’au total et pour l’ensemble des habitants des villes, ce bénéfice de l’hiver serait réel, quoique moins important qu’il n’est l’été. Cela ressort immédiatement de ce qui vient d’être dit.

Et maintenant, à la lumière de ce qui précède, on aperçoit en quoi consiste le mécanisme de l’heure d’été : en avançant, pendant les mois de longue insolation, l’heure légale, c’est-à-dire en avançant pendant ce temps les montres des habitants des villes, on a obligé ceux-ci, — dont les habitudes sont réglées par leurs montres, — à profiter d’une heure supplémentaire de lumière naturelle, à vivre une heure de moins à la lumière artificielle. La vie tout entière des cités a été, par cet innocent artifice, décalée vers le matin, c’est-à-dire dans un sens tel qu’elle tend à se rapprocher davantage de la journée de lumière, à se centrer mieux, encore qu’incomplètement, sur le midi vrai, sur l’heure où le soleil est au plus haut de sa course.

Si on n’a pas jusqu’ici adopté l’heure d’été toute l’année, — ce qui aurait l’énorme avantage de supprimer les deux coups de pouce annuels qu’il faut donner aux pendules, et les légères perturbations que cela entraîne, — c’est pour deux raisons. D’abord, parce que les bénéfices de l’avance de l’heure seraient, ainsi que je viens de l’expliquer, bien moindres l’hiver que l’été. Ensuite, parce qu’un plus grand nombre de gens seraient l’hiver obligés de se lever avant le jour, ce