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de s’unir ; mais ils différaient sur la manière de réaliser l’union ; les Serbes de l’ancien royaume la voyaient sous la forme d’une Grande-Serbie centralisée ; les Croates et les Slovènes concevaient un État trinitaire, fédéral, décentralisé. Mais les événements donnaient à la réunion des pays yougo-slaves les apparences d’une conquête serbe. Les hommes d’Etat serbes, dont le patriotisme et l’énergie avaient largement contribué au gain de la guerre, se trouvèrent, par la force des circonstances, prendre la direction du nouvel État unifié ; mais ils n’usèrent pas de tous les ménagements nécessaires pour rendre équitable et douce la vie commune à des frères, séparés depuis dix siècles, qu’une heureuse destinée réunissait sous le sceptre d’une dynastie nationale. Le roi Alexandre, qui a si vaillamment partagé les épreuves de son peuple, n’a pas tardé à prendre conscience des nouvelles responsabilités qu’impose à la Couronne l’élargissement de l’État et des brillantes perspectives que l’union de tous les peuples yougo-slaves ouvre au royaume serbo-croato-slovène et à sa dynastie ; il sait qu’Henri IV, lorsque la France s’est donnée à lui, n’est pas resté le roi de Navarre, et qu’à de plus vastes horizons convient une politique plus large et plus accueillante. Mais il est un roi scrupuleusement constitutionnel et la politique de Belgrade est menée, en fait, par l’homme d’État illustre qui, depuis 1903, a triomphé de tant d’obstacles et fait de la petite Serbie d’alors la grande Serbie d’aujourd’hui, M. Nicolas Pachitch, chef du parti radical serbe. Les Croates comme M. Trumbitch, qui a rendu de si grands services à la cause yougo slave, les Slovènes comme Mgr Korochets, les Monténégrins même comme M. Pierre Plamenatz, se trouvèrent peu à peu éliminés du Gouvernement. Le parti radical serbe, tantôt seul, tantôt coalisé avec le parti démocrate, exerce, depuis plus de deux ans, un pouvoir presque absolu. Mais M. Pachitch est aujourd’hui un vieillard dont les conceptions ne paraissent pas s’être élargies à la mesure du nouvel État yougo-slave ; il ne semble pas tenir compte de l’aspiration des peuples à une forme plus souple et moins étroite d’association qui laisserait à chaque rameau du grand tronc yougo-slave l’équitable faculté de se développer selon son droit historique, ses aptitudes et ses traditions particulières, et qui assurerait à chacun sa juste part dans le Gouvernement du royaume qui est le bien commun de tous.

Le parti radical serbe vient de procéder aux élections pour la nouvelle Skoupchtina qui remplace l’Assemblée constituante. Celle-ci comptait 419 membres, la nouvelle Chambre n’en a que 313 : il faut