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politique des Soviets rejoint et dépasse la tradition de la chancellerie impériale. On l’a bien vu à Lausanne, dans le débat sur la question des Détroits. Le drame politique, en Orient, est redevenu ce que peut-être il n’a jamais cessé d’être, la rivalité de l’Angleterre et de la Russie : Tchitchérine et lord Curzon étaient, à Lausanne, les protagonistes ; les Turcs n’étaient plus que l’occasion ou l’enjeu du conflit et ils s’en rendaient compte. Il y a là, entre les deux adversaires, pour une politique française alerte et prévoyante, un rôle à prendre : l’heure n’est plus aux discussions juridiques. — Le mémorandum des Puissances occidentales a été remis le 31 mars à Adnan bey, à Constantinople. La réponse d’angora est arrivée le 8 avril et paraît, au premier examen, conciliante. En attendant la reprise des pourparlers, les luttes politiques s’accentuent à Angora ; la Grande Assemblée a inopinément décidé de procéder à de nouvelles élections : elles se feront à deux degrés : à la base, suffrage universel pour les hommes à partir de dix-huit ans ; 200 citoyens nomment un électeur du second degré ; 100 électeurs nomment un député. Un des chefs de l’opposition, Chukri bey, député de Trébizonde, a été assassiné ; l’enquête a révélé que le meurtrier était un certain colonel, Osman Agha, chef d’une troupe de volontaires Lazes ; il a fallu attaquer avec un bataillon le repaire de ces brigands. Osman Agha a été tué par les soldats et son corps pendu par les pieds devant le bâtiment où siège la Grande Assemblée. L’incident est caractéristique ; ce sont là mœurs anatoliennes : la campagne électorale est commencée. Que ce soit pour nous une occasion nouvelle de redire que la Turquie, si elle veut vivre, a besoin de paix, de travail et d’ordre, et qu’aussi elle ne peut guère se passer d’aides et de concours étrangers ; un exclusivisme aveugle, la poursuite de je ne sais quelle chimérique indépendance, les grands rêves politiques, auraient d’abord pour résultat de la livrer sans défense à l’influence mortelle de « La Mecque de Moscou. »


RENE PINON.


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