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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/120

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que c’était un peuple de bolchévistes, de traîtres, d’assassins, que sais-je ? Or, les gens nous ont reçus comme si nous avions été leurs compatriotes ; nous n’aurions pas trouvé meilleur accueil en Hongrie. Et pas trace de révolution ! Vrai, si les Allemands, pendant quarante-cinq ans, n’ont pas réussi à se concilier ce peuple, c’est qu’ils sont de foutues bêtes : mais la faute n’en est pas aux Alsaciens ! » Là-dessus, les Allemands se sont empressés de payer leur écot et de disparaître.

Autre scène. Quelques honveds groupés devant la boulangerie de campagne prennent livraison du pain de munition, un magnifique pain blanc. Mon ami s’approche d’eux : « Mâtin ! En avez-vous un beau pain blanc ! Qu’est-ce que cette farine ? — Double zéro. — Ah ! mais dites donc ! Il me semble qu’il n’y a pas réciprocité de traitement entre les alliés si vous vous nourrissez de beau pain blanc, tandis que nous sommes obligés de nous contenter d’un infect pain noir. » Là-dessus ils se mettent à rire, et l’un d’eux prend la parole : « Avant la guerre, on nous disait : « La Hongrie est un pays agricole, donc faites de « l’agriculture ; » et on nous empêchait de faire de l’industrie, cette dernière devant rester réservée aux Allemands. Maintenant qu’à la suite de la guerre la famine est survenue et que la Hongrie doit se dépouiller en faveur des Allemands de toutes ses provisions, nous leur répondons : « Nous mangeons notre pain, vous, bouffez vos machines ! »

À propos de la guerre, un autre dit : « Nous ne nous battrons pas contre les Français. Que les Allemands leur rendent l’Alsace, et la guerre sera finie. — Oui-da, ajoute un autre, c’était une proposition à faire en 1916, mais, maintenant, le moment est passé. Ce n’est plus en sacrifiant l’Alsace que les Allemands achèteront la paix : il faudra qu’ils se résignent à sacrifier bien autre chose. »


27 septembre. — Le colonel, en se promenant hier à cheval à travers la forêt, a remarqué qu’il y poussait des quantités incroyables de cèpes. Il les a fait cueillir par ses hommes. — « Les aimez-vous ? me demande-t-il.— Je crois bien. — Eh bien ! Vous allez me donner un panier que je vous ferai remplir et rapporter par un de mes hommes. Seulement, comme nos soldats en sont très friands, je les compterai ; autrement, il pourrait s’en égarer en cours de route. En hongrois, nous appelons