entier. Je le tiens d’officiers ! » L’Alsacien hausse les épaules : « Vos officiers savent moins que rien. Chez nous, au village, il y a un peloton de Flammenwerfer, qui reviennent du front ; eh bien ! ils racontent à qui veut l’entendre que la paix sera là d’ici peu de jours, parce que les soldats en ont assez et qu’ils ne veulent plus se battre... Voilà la vérité et non pas ce que racontent vos officiers ! » — Alors l’autre : « Tout cela, c’est des paroles en l’air. Ce qui prouve bien que nous ne pensons pas à faire la paix, c’est que notre haut-commandement prépare à Epfig une position inexpugnable. — Sans doute une nouvelle l Hndenburgstellung ? complète, en blaguant, l’Alsacien. — Et vous ne savez pas ? continue l’autre. Nous allons dédoubler la ligne de Strasbourg à Epfig. — Pourquoi cela ? — Mais pour pouvoir jeter le plus de troupes possible dans les Vosges. — A moins que ce ne soit pour les retirer. Cela me parait beaucoup plus probable... Mais, continue l’Alsacien en débouchant son bidon de vin, tout cela n’a plus aucune importance.
6 octobre. — Strassburger Post ! Reichskanzlerrede !... Puis un mot dont je ne saisis pas bien le sens. Voilà ce que de mon lit j’entendais ce matin crier par les camelots. M’étant habillé sans hâte, je descends pour le déjeuner et jette un coup d’œil indifférent sur le journal... Je n’en crois pas mes yeux lorsque je lis que le Gouvernement allemand s’adresse au président Wilson pour devenir l’arbitre de la paix. Ils sont fichus ; autrement, ils ne réclameraient pas l’entremise de l’homme d’Etat qu’ils ont le plus vilipendé. Quelles conditions va-t-il leur poser ? Evacuation de la France, de la Belgique, peut-être même de l’Alsace-Lorraine. Mais alors, nous verrons peut-être d’ici quelques jours les Français faire leur entrée à Strasbourg...
Au kiosque de la gare, Paul me fait remarquer une méchante caricature du Kladderadatsch contre Wilson affichée bien en évidence, et qui le représente en Peau-Rouge armé jusqu’aux dents. Tout à côté, la dépêche du jour, d’après laquelle le Gouvernement allemand réclame l’arbitrage de ce même Wilson !
Dans mon compartiment, un officier supérieur de honveds, traits énergiques, teint basané, mordille sa moustache grise en regardant par la fenêtre. Il affecte de ne point remarquer