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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/130

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25 octobre. — Voyage à Strasbourg... Dans le train, je remarque au cours du voyage que les Alsaciens n’ont plus le même air timoré, ils relèvent la tête. Les dames surtout ont une assurance provocante ; elles discutent politique et tout le monde parle français...


26 octobre. — Ce soir, à Strasbourg, le libraire allemand S., qui pendant toute la guerre avait été enragé, lâche sa comptabilité en me voyant entrer, et Venant à moi, il me dit d’un air détaché : « Qu’en pensez-vous ? messieurs les Français nous laisseront-ils liquider nos affaires, ou nous flanqueront-ils tout de suite à la porte ? — Je n’en sais rien. — Nous accordera-t-on le plébiscite ? — Trop tard ! » Puis changeant de ton : « Non, ce qu’on nous a trompés ! »


27 octobre. — Nous ne sommes pas encore Français, et déjà certains de nos compatriotes s’inquiètent de la politique que feront les Français en Alsace. Mon ami S... craint que les cercles protestants ne se taillent la meilleure part, lors de la nouvelle répartition des places. « Ce serait, me dit-il, contre toute justice, si ces messieurs qui, somme toute, ont toujours été choyés par l’administration allemande parvenaient à éliminer les martyrs de la cause alsacienne. — Vous croyez que ces petites querelles vont renaitre après la terrible leçon de cette guerre ! — Mais assurément, et ce qui me fait enrager, c’est que ces protestants n’ont guère souffert. — Mais enfin le pasteur Gerold et d’autres ? — Ce sont des exceptions. » Je rencontre plus loin mon ami W... qui, lui, est protestant et exprime exactement les mêmes craintes, mais pour ses coreligionnaires. « Vrai, pensé-je, le monde n’est pas changé. » Pour moi, la nouvelle la plus importante est la démission de Ludendorff...


29 octobre. — Depuis trois jours, on confectionne chez nous des drapeaux tricolores. Comme nous manquons de percale blanche, on me charge d’en acheter à Obernai...

Les Hongrois jubilent et crient dans les rues : « Voilà le Michel allemand fichu ! »


31 octobre. — Mlle de B..., de Strasbourg, est venue me consulter au sujet d’un costume alsacien. Toutes ses amies ont déjà confectionné le leur. A Strasbourg, on arbore déjà par ci par là des