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Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/18

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Mais la diplomatie ne tient guère ce qu’elle promet. Il évoqua la belle taille élancée et musclée de l’Anglaise, les yeux veloutés et le spirituel visage de sa compatriote, et ne se dissimula pas plus longtemps qu’il les reverrait volontiers. Laquelle préférait-il ? Il inclinait vers miss Maud, trouvant l’autre un peu trop instruite et clairvoyante, avec cette peur instinctive qu’éprouve le Français, dès qu’il soupçonne la supériorité d’une femme. Avant de descendre, il vérifia devant la glace, minutieusement, l’effet qu’il produisait en costume de sport, approuva le chandail beige de la même teinte que les bas et les gants, fut moins satisfait du bonnet de laine un peu trop rond et haut, prêt à se muer en passe-montagne au moindre froid, il est vrai, et le remplaça impitoyablement par une casquette plus seyante. Puis, se souvenant qu’il était juge et non partie, et que sans doute il resterait sur place en contemplation, il se recouvrit d’une chaude pèlerine écossaise, un peu plus neuve que celle dont M. Sacha Guitry a conté la mélancolique aventure.

Son entrée sur la patinoire passa totalement inaperçue. Par une contradiction bien humaine, il en fut vexé, quand il avait juré ses grands dieux qu’’il se retrancherait du monde pendant son congé de dix jours à Gstaad. Une partie de hockey s’achevait sur la glace avant les épreuves du patin, et les spectateurs s’intéressaient trop aux allées et venues du palet que les crosses poussaient ou repoussaient pour prendra garde à l’arrivée d’un nouveau venu, fùt-il revêtu d’un chandail beige du plus heureux effet. Le soleil allumait des étincelles sur les pentes de neige et aux lames d’acier des lutteurs. La pèlerine écossaise était de trop. Enfin miss Maud le daigna remarquer, bien qu’elle fût accompagnée de son danseur de la veille, et il lui fut reconnaissant de ce regard qui le délivrait de la solitude :

— Oh ! monsieur Aynaud-Marnière, je suis contente que vous pariez sur moi.

— Avec plaisir, miss Hobinson.

— Je suis en forme, déclara-t-elle simplement.

Et pivotant sur elle-même, elle se montra comme un cheval de course que son jockey fait valoir. Elle portait un costume de laine blanche avec un petit bonnet assorti et surmonté d’un pompon. La poitrine était bien prise dans le corsage et l’ample jupe autorisait l’aisance des jambes. Sa taille haussée encore par les patins, et ses cheveux blond clair, d’un blond de paille,