Le soir, après le dîner, il rejoignit sans hésiter le cercle des jeunes filles. Le cercle des jeunes filles ? Nicole et Maud y avaient admis une Hollandaise aimable et grassouillette, Mlle Backert et deux Américaines extraordinairement remuantes et agitées, les sœurs Harriss. Enfin, une jeune princesse (?) russe assez inquiétante, Olga Siminska, s’y était introduite subrepticement en gazouillant : elle se parait des malheurs de son pays, ayant réussi, murmurait-elle, à sauver une part de sa fortune heureusement placée à l’étranger, et, quand elle dansait le tango, sa sensibilité toute slave s’exagérait jusqu’à un état de demi-pamoison dont Maud s’irritait comme d’un scandale et dont Nicole se moquait. Le comte Moroni se chargeait de recruter la partie masculine, venue des quatre coins de l’univers ou de la cour de l’Altesse en exil.
— Le monde est changé, fit observer Maurice Aynaud-Marnière à son collègue. Aujourd’hui l’on entoure les jeunes filles. Hier encore, c’étaient les femmes.
— Les jeunes filles sont plus sportives. Et la mode est aux sports.
— Et les parents ? Je ne vois pas de parents.
— Il y en a.
— Je le pense bien, mais ils sont discrets.
— On n’en connaît pas à la princesse Olga. La mère de miss Maud, Mrs Hobinson, tricote un chandail sang de bœuf près de Mme Backert, et son père joue au bridge avec le général et M. Harriss.
— Et Mlle Deleuze ?
— Chut ! fit l’Italien.
Nicole Deleuze, dont le siège était rapproché, pouvait entendre leur conversation. Avait-elle donc des origines suspectes que l’on prit la précaution de les cacher ? Sans doute devina-t-elle l’équivoque de ce silence, car elle intervint avec la plus parfaite désinvolture :
— Vous vous informez des parents, M. Aynaud-Marnière. Quelle bonne précaution ! Je vous présenterai à mon père. Mon père est très connu à Paris. Il y préside des tas de conseils d’administration. Je suis sûre que vous l’apprécierez : il connaît,