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suppléant. « Il te faut, me dit-il, aller dans la capitale de l’Égypte. »

Grand texte mystérieux, qu’il est pourtant aisé d’éclairer. Je sais ce qu’Emireh Dharrâb, Hou-Nedjm Serràdj, Moumin, puis Abd-Almélic Attâch, dans des conversations savamment graduées, ont dit, l’un après l’autre, à Hasan. Ces hommes (et des centaines d’autres, pareils à eux, affiliés à la même franc-maçonnerie) parcouraient l’Asie musulmane pour prêcher en termes voilés que, sous les rites et les cultes divers, brille une seule vérité, une seule foi, une seule religion, et qu’il faut faire la révolution contre le pouvoir établi, au nom de ceux qui sont lésés et au nom du bien public. Cela, ces mystérieux errants ne le disaient pas tout d’un trait, mais à la longue, après une suite de précautions toujours les mêmes, et en faisant passer leurs disciples par sept degrés d’initiation. Avec un Hasan, très vite, ils en vinrent au grand secret : « Ce que tu rêvais à Nishapur avec Omar Khayyam et Nizam el-Mulk, ce que tu voulais réaliser avec Nizam el-Mulk, et devant quoi ce lâche parjure a reculé, voilà deux siècles que deux hommes l’ont pensé et voulu. Voilà deux siècles que deux grands esprits favorisés du ciel, Abdallah, fils de Maïmoun, et Mohammed ben Hosaïn surnommé Zaïdan, celui-ci savant dans la philosophie, l’astrologie et la sorcellerie, et tous deux très attachés aux vieilles doctrines de la Perse, ont créé l’instrument pour anéantir l’Islam. Ce qu’Abdallah et Mohammed ben Hosaïn ont voulu, tu le veux. Prends leur succession. Deviens des nôtres et au premier rang… »

Dans ces interminables causeries de Réï, Hasan fut mis au courant de l’œuvre fondée par les deux Persans qu’on lui donnait en modèle. Il connut leur roman grandiose et s’en inspira. Abdallah, fils de Maïmoun, et le riche Mohammed ben Hosaïn, surnommé Zaïdan, s’étaient dit : « le secret de la force irrésistible de nos conquérants Arabes, c’est leur foi ; il faut briser ce ressort. » Abdallah imagina de gagner la confiance d’une secte musulmane dissidente chiite, les Ismaéliens, ainsi nommés parce qu’ils vénéraient un certain Ismaël, descendant d’Ali, et très nombreux à la Mecque, à Médine, en Mésopotamie, en Syrie et surtout en Perse. Avec quelques modifications, leur large doctrine, reflet de toutes les croyances existantes, toute imprégnée de magisme, de judaïsme, de christianisme,