ouvriers entre eux, c’est-à-dire par l’offre de la main-d’œuvre.
Mais, — ouvriers et patrons pris en bloc, — le gain des producteurs est réglé en dehors d’eux et malgré eux, soumis qu’il est à la demande des consommateurs que la baisse des prix attire et que la hausse éloigne. Et, comme sur cent consommateurs il y a quatre-vingt-dix « ouvriers, » puisque les travailleurs forment la quasi-totalité de la nation, ce sont eux qui règlent, comme consommateurs, le prix de tout ce qu’ils offrent comme producteurs, sauf pour quelques marchandises de luxe, qui ne chiffrent pas. Tel est le mécanisme des prix.
Pour améliorer le sort de cette masse laborieuse, pour que le superflu d’hier devînt le nécessaire d’aujourd’hui, il n’était pas d’autre méthode que d’acheter le travail plus cher et de lui vendre meilleur marché les produits mêmes de ce travail. Et comment réaliser ce miracle ?
En réglant avec justice la « répartition » des richesses, répondirent au XIXe siècle les élèves des théoriciens du XVIIIe, qui crurent ingénument rajeunir des pratiques vieilles comme le monde en les baptisant de noms nouveaux : socialisme, collectivisme, communisme, remontent en effet à l’origine des temps. Lorsque, dans son île déserte, Robinson rencontre Vendredi, le socialisme commence : je veux dire qu’aussitôt que plusieurs créatures humaines se rapprochent et s’unissent, elles sont immédiatement obligées, pour vivre en commun, d’abdiquer en faveur de la communauté une partie de leur indépendance, — de là les codes, — de lui consacrer une partie de leur travail, de leur avoir : — de là l’impôt.
Et puisqu’il ne saurait exister aucune société organisée qui n’exige de ses membres l’abandon d’une part d’eux-mêmes, puisque tous les Etats passés, présents et futurs sont plus ou moins « socialistes, » « communistes, » « collectivistes, » la question est tout simplement de savoir jusqu’à quel point et sous quelle forme il convient de l’être pour le plus grand bien des individus. Pure affaire de dosage et d’opportunité, ces idées, à tournure moderne, mais fort antiques, ont préoccupé sans cesse nos aïeux, indépendamment de tous les régimes politiques. L’histoire serait longue des expériences multiples qu’ils ont tentées ou subies ; les réglementations en ce domaine furent infinies, minutieuses, draconiennes parfois, vaines toujours, si elles entraient en lutte contre la force des choses.