de rose et son miroir, éponge et peigne ; quelquefois émouvant : lors Madeleine se jette aux pieds de Jésus… et arrose et essuie de ses cheveux ses pieds, puis se lève et jette dessus le chef de Jésus de Veau de Damas ; ou encore tragique : lors il met une éponge au bout d’une lance et le joint contre la bouche de Jésus en croix : alors Jésus tire la bouche arrière, lors encline sa tête sur le côté destre.
De la sorte, tous les récits de l’Évangile se trouvaient traduits en tableaux vivants, pareils à ces bois qui illustrent les Bibles des Pauvres ou à ces miniatures richement coloriées des Livres d’Heures. Leur aspect ainsi concrétisé s’imposait à l’imagier ou à l’entretailleur d’images, artisans généralement peu instruits et plus habiles à saisir des attitudes qu’à déchiffrer des grimoires. L’influence des mystères sur l’art n’est plus guère contestée aujourd’hui, bien qu’un maître éminent, M. Mâle, s’accuse, dans la seconde édition de son Art religieux de la fin du moyen Âge en France[1], d’en avoir exagéré la portée. Ce n’est pas le lieu de reprendre ici la discussion, mais, si l’on peut hésiter sur le degré de cette influence dans le cas de l’artiste, on le peut moins dans le cas de son public.
Si l’on fait abstraction en effet des quelques clercs qui se trouvaient dans l’auditoire ou sur la scène, la vision de l’Ancien et du Nouveau Testament, telle qu’elle se déroulait sur le hourd, s’imposait définitivement à l’esprit des spectateurs. Aussi ne, connaîtront-ils désormais la Cène que sous la forme que suggère cette rubrique :
Ici s’assied Jésus au milieu, Saint Pierre à destre, Saint Jehan à senestre, et tous les autres Apôtres, Simon au bout de la table et Judas sert… il n’y a sur la table que des fouaces blanches petites et l’agnel… ; et Jésus prend un pain et le rompt par le milieu, puis dit… Environ le milieu de la clause, se doit lors Jésus lever droit. Item où il dit : « Sur ce pain pour l’honneur de Dieu, » doit Jésus prendre une hostie et la tient à la main senestre, et met la main droite dessus. Et à ce qu’il dit : « Le pain transsubstancierez, » il prend le calice comme dessus.
De même sentent-ils mieux, comme s’ils en éprouvaient la brûlure sur leur propre chair, les souffrances que leur Sauveur souffrit pour eux, la Flagellation, la Montée au Calvaire, la Crucifixion.
- ↑ Paris, Colin, 1922, in-4o.