de leur mieux : c’est vraiment triste qu’en Orient les nuits appartiennent aux moustiques et aux punaises. Ecoutez la chanson cruelle de ceux-là, et voyez la marche horrible de celles-ci ! Par centaines, ils tourbillonnent dans l’air, tandis, qu’elles s’avancent en silence sur les murs, au plafond, dans tous les plis de toutes les étoffes, des plus somptueuses et des plus misérables. Quel dégoût ! Ah ! ce n’est pas en Asie, à ma connaissance du moins, que nos nuits deviennent la plus belle moitié de notre vie. Restent les campements : sous la tente, trêve de reproches ! Propreté, silence, large et pure respiration ! Un tel régime, c’est bien-être, guérison, oubli, apaisement physique et moral, retour à nos destinées premières et peut-être les plus vraies.
Au réveil, avec le moudir et divers notables, je suis allé visiter le château, ou du moins le haut rocher que le château occupait jusqu’aux premières années du XIXe siècle. C’est un massif d’une centaine de mètres, à la pointe de l’angle dessiné par deux vallées qui se rejoignent. Ce massif, séparé de sa base par une dépression, a la forme d’un œuf, d’une ellipse allongée, dont le dessus a été aplani par l’architecte du château. Tout autour, sauf du côté Nord, où l’on accède plus aisément du village, de profonds ravins l’enserrent, qui doivent débiter beaucoup d’eau en hiver. L’horizon est fermé par des montagnes calcaires, entre lesquelles, à l’Orient, par plusieurs brèches, on aperçoit la mer et les hauteurs de l’ile de Chypre.
Sur cette terrasse, mi naturelle, mi taillée dans le roc, à la place du château anéanti, quelques pauvres maisons, quelques mûriers chétifs, qui ont su trouver un peu de terre végétale. Grand étonnement, pour un Français, d’y trouver un vieux canon à fleurs de lys. Que fait-il là ?
Le grand vent, un immense espace à surveiller, le silence et ma curiosité qui ne sait où se renseigner. Je regarde cet inextricable enchevêtrement de vallées, que je domine, et où des restes de murs me font comprendre que jadis les avancées du château les fermaient. Mais que puis-je saisir des intérêts, des passions, de l’intelligence qui animaient ces ruines ?
Je cause avec plusieurs Ismaéliens, dont l’émir Tamer Ali. Ils me racontent que le seigneur Rachid-eddin Sinan demeura quelque temps à Qadmous dans une maison éclairée par une grande fenêtre. Si quelqu’un des compagnons voulait entreprendre