met des lumières, le jeudi soir, et des chiffons bleus. Nulle inscription ne s’y trouve.
Plusieurs Ismaéliens se sont groupés autour de l’Émir qui me donne des explications. Je reviens sur ce qu’il m’a dit de Sinan et je lui demande :
— Vraiment, Rachid-eddin Sinan n’était pas un chef religieux ? Je croyais qu’il se faisait adorer comme un dieu ?
— C’était un chef politique.
— Où donc est le dieu ?
Nulle réponse.
— Récitez-vous des poésies spéciales ? (je n’ose dire des prières.)
Les visages se ferment, et au bout d’un instant, l’Emir me répond :
— Non.
Des enfants nous suivent et nous présentent des monnaies byzantines qu’ils désirent me vendre.
Déjeuner sous la tente, et puis, à midi, la grande minute, le départ pour El Kaf.
Nous traversons les petites rues de Qadmous, nous contournons de côté et d’autre des monticules, et nous voilà qui serpentons, par des pistes très rudes, dans des paysages sauvages. Toujours ces pierres qui roulent ! Vraiment des pays en démolition. J’ai noté sur mes carnets que je franchis un premier col, puis un second, des hauts, des bas, des pentes raides, sur des collines boisées. Au flanc d’une montagne assez importante, nous atteignons un endroit très difficile, un escalier dans le roc, qui nous hisse sur un plateau où se trouve le village de Hammam-el-Wassel, un village de Nosseïris.
Deux sortes de Nosseïris : les uns assez pareils, avec leurs barbes très noires, à des Tziganes ; les autres, roses, blonds de cheveux et de moustaches, et les yeux prodigieusement bleus. Entre eux, rien de commun. Je n’oublierai jamais ces figures toutes lorraines, mosellanes, rhénanes, du pays de Metz ou de Liège, qui me regardaient, voulais-je croire, avec une sorte de nostalgie. Le maître d’école faisait la classe en plein air. Saisissants, ces élèves étendus à l’ombre : des petits paysans de France.