Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1923 - tome 15.djvu/578

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En effet, les élèves que nous voyons manœuvrer et défiler s’efforcent vers la raideur des cadets de Potsdam, dont ils portent l’uniforme et leur « parade schritt » est très correct. On m’affirme qu’il s’agit d’un simple exercice d’assouplissement, et on me demande mon avis ; je le donne franchement : une troupe qui défile devant ses chefs, drapeau déployé en tête, prend conscience de sa personnalité ; elle vit vraiment, et son âme l’anime à cet instant. Les Français lèvent la tête et tendent le jarret, mais leur démarche garde une certaine souplesse et ils restent eux-mêmes ; les Prussiens ont imposé à toute l’armée allemande le pas de parade qu’ils appellent le « pas de l’oie, » et cette allure compassée convient assez à leur tempérament, mais j’estime qu’une fois de plus ils ont manqué de psychologie en l’imposant ici, où le caractère de la race ne s’exprime point par cette raideur. Ce serait toutefois les imiter que d’attacher trop d’importance à de tels détails. L’Ecole navale est bien instruite, puisqu’elle exécute à merveille les règlements en vigueur dans l’armée chilienne, voilà l’essentiel. Pour la manœuvre à terre, elle rivalise avec l’École militaire de Santiago où se forment les officiers de l’armée, et cette émulation donne des résultats excellents.

La colonie française nous invite à déjeuner au club de Valparaiso et le nombre des convives ne nuit nullement à l’ordonnance de ce repas. Puis un train spécial nous emmène à la station balnéaire de Vina del Mar, où je visite le beau quartier des cuirassiers, le club, le champ de course et le polo, car ce sport britannique est ici en grand honneur.

Revenus à Valparaiso, les clubs français et anglais que nous visitons successivement rivalisent d’enthousiasme. Partout je vois des anciens combattants de la Grande Guerre et nous évoquons nos souvenirs communs. Au collège des Pères français, je vois aussi des orphelins de guerre. Enfin la journée se termine par un banquet à l’Intendencia, — la préfecture, — qui réunit toutes les autorités et les consuls des Puissances alliées et amies de la France. L’échange des toasts officiels avait été très cordial et j’avais noté l’expression de la reconnaissance chilienne pour le génie français ; mais le sénateur G. Rivera voulut y ajouter une chaleur nouvelle, en rappelant les vœux de tout son pays pour notre victoire et la joie unanime qui l’avait accueillie.